Parachat A’HARE-MOT – KEDOCHIM

« Voici avec quoi Aharon rentrera dans le sanctuaire : avec un jeune taureau comme expiatoire … » (Vayikra XVI, 3). Ce verset s’applique, en fait, à tous les Cohanim Guédolim (les grands prêtres) qui devront apporter, le jour de Kippour, les sacrifices mentionnés dans cette Paracha. Pourquoi alors ne mentionner que le nom d’Aharon? L’explication la plus simple est qu’Aharon, qui fut le premier Cohen-gadol, sert de référence pour tous les autres.
Le Rav Levinchtein dans son livre « Oumatok haor » propose une autre explication, en s’appuyant sur Rachi qui note que ce « bézot » (= avec quoi / avec ceci) correspond à la valeur numérique de quatre cent dix, allusion au nombre d’années qu’a duré le premier Temple. Quel est le sens de cette allusion? C’est qu’Aharon symbolise « l’homme de la paix » et les durées du Temple, du premier comme du second, furent conditionnées par « l’état de paix » : la paix entre l’Eternel et les hommes, la paix entre les hommes eux-mêmes.
Aharon était réputé pour être אוהב שלום ורודף שלום c’est-à-dire « qu’il aimait la Paix et recherchait la Paix » (Avot I, 11). Il la rétablissait dans les foyers et aussi entre les hommes (Rachi). Au moment de son décès le verset dit : « toute la maison d’Israël pleura Aaron trente jours » (Bamidbar XX, 29). Toute la maison, hommes et femmes. Le Midrach (Menorot Hamaor 324) rajoute que quatre-vingt mille enfants portant le nom de Aharon l’avait accompagné ce jour-là. Ces enfants avaient été nommés du nom d’Aharon, par leurs parents, en reconnaissance de la concorde retrouvée au sein de leur foyer.
Un calcul rapide donne la mesure du dévouement et de la disponibilité d’Aharon. Si les enfants d’Israël sont restés près de quarante ans dans le désert, soit environ quatorze mille six cents jours, et que pendant cette période sont nés les quatre- vingt-mille garçons, Aharon a dû intervenir auprès, d’au moins six couples chaque jour. Et ce, en supposant qu’il ait réussi à raccorder les ménages dès sa première intervention.
Aharon, emblème de la paix, c’est ce que la Torah vient nous enseigner. «Avec ceci Aharon rentrera », c’est-à-dire que le Cohen-gadol pénètre dans le Saint des saints, le jour de Kippour, avec la Paix présente au sein du peuple d’Israël. Aharon, symbole de la paix, avait le droit de rentrer dans le Saint des saints quand il le désirait, alors que les autres grands prêtres ne pouvaient rentrer que le jour de Kippour.
Le premier Temple fut détruit à cause des (trois) fautes commises par le peuple d’Israël, le deuxième Temple du fait de la haine gratuite (Yoma 9b). Rupture de la paix entre D… et les hommes, rupture de la paix entre les hommes. Si la haine n’avait pas été gratuite, si elle avait eu une quelconque raison d’être, l’espoir de restaurer la paix aurait prévalu et sauvé le Temple de la destruction.
C’est pour cela que nos Sages nous enseignent que pour le premier exil une durée de soixante-dix ans fut prononcée, par contre, pour notre dernier exil, aucune fin n’est mentionnée.
Mais dès que la haine gratuite aura disparue, la Paix au sein du peuple d’Israël pourra retrouver sa place et « avec ceci » (bézot) le Cohen-gadol pourra à nouveau pénétrer dans le Kodech hakodachim.

Parachat KEDOCHIM
« Avec justice tu jugeras ton semblable » (Vayikra XIX, 15). Rachi explique que ce verset est à prendre au sens littéral, mais aussi, comme nous l’enseigne la Guémara (dans Sanhedrin 32a) « juge ton prochain en lui accordant un préjugé favorable ». Certes, par définition tout jugement se veut juste, sans favoritisme, mais ici le mot justice (Tsédek) fait allusion au Tsadik (au Juste) présumé innocent.
C’est d’ailleurs dans la situation, où l’incertitude est à 50 pour 100, que la Torah nous commande de juger l’autre avec indulgence en lui accordant le bénéfice du doute. Mais dans les cas où tout porte à croire que ses intentions sont malveillantes nous ne sommes pas tenus de le juger positivement.
La Guémara (Chabbat 127b) nous rapporte l’histoire d’un homme qui avait quitté sa maison, en haute Galilée, au nord d’Israël, pour aller travailler, pendant trois ans, dans un champ au sud du pays. Le jour de son retour chez lui, la veille de Kippour, il demande à son employeur de lui payer ses années de travail afin qu’il puisse rejoindre sa famille pour les fêtes. Mais l’employeur lui répond qu’il n’a pas d’argent pour le régler. L’ouvrier accepte alors d’être payé avec du bétail, des fruits ou même des habits et des couvertures, mais son patron lui répond qu’il n’a rien à lui donner. Notre pauvre homme prend alors son baluchon et rentre, sans rien, chez lui. On peut facilement imaginer sa déception, celle de sa famille et dans quelles conditions se passent les fêtes du mois de Tichré.
Aussitôt après les fêtes, son employeur arrive chez lui, avec le salaire des trois années de labeur, et l’interroge sur sa réaction au refus de ses demandes. Notre homme lui répond qu’il s’était dit que certainement l’argent avait été utilisé précipitamment pour une affaire urgente, que les bêtes avaient peut-être été louées, que les fruits n’étaient pas encore aptes à la consommation (אינן מעושרים ), ou qu’il avait peut-être fait don de tous ses biens au Temple.
Son employeur lui dit alors qu’effectivement c’est ce qui s’était passé et le bénit en lui disant : « de même que tu m’as jugé avec bienveillance, que le ciel te juge, de même, favorablement».
Le Hafetz Haïm zatsal (dans Chmirat halachon chaar 2, ch 4) déduit de cette histoire que quand bien même le bénéfice du doute parait lointain le jugement bienveillant sera récompensé « מידה כנגד מידה , mesure pour mesure », le tribunal céleste le jugera de même.
Cependant une question se pose. Si nous ne connaissons pas, nous, les intentions secrètes des autres, l’Eternel, Lui, qui « sonde les coeurs », sait parfaitement quels sont les sentiments de chacun. Que signifie alors que l’on puisse être jugé positivement par le tribunal céleste?
Le Hafetz Haïm répond que l’homme est bien sûr jugé en fonction de ses actes. Mais pour une Mitsva, le tribunal céleste pourrait l’agréée sans tenir compte de l’absence d’amour, de joie, ou de ferveur qui auraient dû l’accompagner. Et inversement pour une mauvaise action, l’Eternel peut décider de ne pas en tenir compte, considérant que l’homme a agi par manque de connaissance ou dans un moment de difficulté. Tout dépendra donc de la manière dont on juge soi-même son prochain. « De même que tu l’as jugé favorablement, le ciel te jugera toi aussi à ton tour positivement ».

SHABBAT SHALOM OUMEVORAKH