Parachat EMOR

« Vous compterez pour vous-mêmes (Lakhem לכם ), depuis le lendemain de la fête, depuis le jour où vous aurez offert l’ômer du balancement, sept semaines, qui doivent être entières » (Vayikra XXIII, 15).
Nos sages (Ménahot 65b) expliquent que le mot « Lakhem », littéralement « pour vous », doit être traduit ici « pour chacun d’entre vous ». Autrement dit chacun se doit de compter personnellement le ômer, à la différence du Jubilé, pour lequel la Mitsva de compter sept années sabbatiques, sept fois sept années, soit quarante-neuf ans (Vayikra 25,8), incombe au Beth-Din et non pas au particulier.
De ce verset nous apprenons donc que la Mitsva de compter le Ômer doit être individuelle, au point que, d’après certains décisionnaires (voir Michna Béroura ch. 489), ce compte ne peut pas se faire en vertu du principe général « Choméa kéoné », c’est-à-dire à l’écoute attentive de l’autre qui, habituellement, peut nous acquitter de toute bénédiction, par la sienne.
C’est parce que, nous explique le Rav Néventsal chlita, le compte du Ômer n’est pas tout juste une énumération mais un travail particulier d’élévation spirituelle lequel nous prépare à recevoir la Torah, quarante-neuf jours plus tard, à Chavouot. Cependant, si chacun doit se soucier de sa propre élévation spirituelle, il faut vouloir aussi que l’autre, que tout le peuple d’Israël accède à ce niveau tant espéré. Car la Torah a été donnée au peuple juif, tout entier, aux six cent mille âmes qu’il comporte, et c’est pourquoi la Torah, elle-même, présente six cent mille facettes.
Les vingt-quatre mille élèves de Rabbi Akiva, morts pendant cette période, ont d’après nos sages (Yévamot 62b), « fautés » par manque de respect des uns vis-à-vis des autres. Comment se fait-il, compte tenu du niveau élevé de leur savoir, que le mérite de leur étude ne les ait pas épargnés d’une aussi sévère sanction qu’est la mort? Il est pourtant bien inscrit que l’Etude de la Torah « porte la longévité en sa droite, et en sa gauche la richesse et l’honneur » (Michlé III, 16).
Le Talmud (Ménahot 68,b) rapporte qu’un jour Rabbi Tarfone posa une question au Beth Hamidrach. Yéhouda ben Néhémia, un des élèves de Rabbi Akiva, donne très vite une réponse simple qui laisse Rabbi Tarfon sans voix. Le visage rayonnant, Yéhouda ben Néhémia, s’en était réjoui. Rabbi Akiva intervint alors pour lui dire : « Tu te réjouis d’avoir répondu au Sage (Rabbi Tarfone), je serai étonné que tu ais une longue vie». Et effectivement l’élève décèdera entre Pessah et Chavouot.
Pourquoi ? En quoi a-t-il failli ? C’est que Rabbi Yéhouda n’était pas seulement content d’avoir trouvé la bonne réponse, mais aussi et surtout que Rabbi Tarfone ne la sache pas. Il s’est réjoui d’avoir remporté comme une victoire sur Rabbi Tarfone, et de l’avoir exclu du débat. C’est cette catégorie de « manque de respect » dont nous parlent nos sages qui amena la mort des élèves de Rabbi Akiva.
Ignorer son prochain, se promouvoir à ses dépens, c’est rendre sa propre étude, une Torah du Yahid (individuelle), qui ne le protègera pas. Nous pouvons tous souhaiter devenir des Sages et espérer recevoir la Torah telle qu’elle a été révélée à Chavouot. Mais comme elle a été donnée aux six cent mille âmes qui forment le peuple juif, c’est ce don pour tous qu’il nous faut vouloir, une Torah du Rabime, une Torah collective. C’est elle qui promet la longévité.

Shabbat Shalom Oumevorakh