Parachat TOLDOT

« Essav dit à Yaakov : fais-moi avaler, je te prie, du rouge, de ce rouge-là, car je suis fatigué! C’est pourquoi on appela son nom Edom » (Beréchit XXV, 30). «Ce rouge» désignait un plat de lentilles qu’il consomma ce jour-là sur le champ (et aussi du vin d’après le Midrach hagadol), cependant le nom de « Edom », le rouge, désignera pour toujours Essav et toute sa descendance. Il faut croire que ce surnom porte en lui un signifiant marquant.

Le Rav Zilberstein dans son livre Alénou léchabéah écrit que la Torah nous dévoile ici l’élément déterminant de la conduite de Essav et qui va expliquer toutes ses fautes. « Fais- moi avaler … du rouge, de ce rouge…», c’est dire combien Essav n’est pas maître de lui-même. Impulsif, il ne se préoccupe que d’assouvir ses pulsions et l’envie du moment. Il s’est arrêté à l’aspect des choses, le rouge, et ne prend même pas le temps d’examiner la nature ni la qualité des aliments qui se présentent à lui. A cet homme manque le Yichouv Hadaat : la réflexion à tête reposée. C’est ce qui le caractérise, et c’est la source de tous ses problèmes qui justifiera ce surnom d’Edom, le rouge. Retirer le Yéchouv hadaat de tout homme, voilà une activité essentielle du mauvais penchant.
Les Tsadikim (les Justes), par contre, s’emploient à rester maîtres d’eux-mêmes en toutes circonstances. A propos de Boaz, il est dit, lorsque Ruth vint se coucher à ses pieds : « passe donc la nuit ici, demain matin s’il consent à t’épouser, c’est bien, qu’il le fasse, mais s’il refuse c’est moi qui t’épouserai, reste couchée jusqu’au matin » (Ruth III, 13). Devant cette femme qui est seule avec lui, avec laquelle il accomplirait en l’occurrence une mitsva, celle du Yiboum (lévirat), Boaz se retient, pour observer les règles de préséance. Il lui demande d’attendre le matin, l’avis du Sanhedrin et celui d’un autre plus proche parent qui pourrait décider, lui, d’accomplir cette mitsva du yiboum, en priorité. Ad haboker (= jusqu’au matin) mais aussi jusqu’à vérification, du mot « bikoret » (= contrôle).

Yaakov qui aimait et voulait épouser Rahel proposa à Lavan de travailler sept ans pour sa fille (Beréchit XXIX, 18). C’est étonnant que Yaakov ait de lui-même proposé autant d’années de travail alors que Lavan ne lui avait encore rien demandé. Yaakov en fait, sachant qu’il devait engendrer les douze tribus, se préparait posément, avec yichouv hadaat. Il aurait pu vouloir se marier vers l’âge de quarante ans comme son père, et bien que son père l’ait envoyé se marier à l’âge de soixante-trois ans, il ira d’abord quatorze ans dans la yéchiva de Chem et Ever. Et même après avoir rencontré Rahel, il va prolonger sa préparation de sept années supplémentaires. Après quoi il pense pouvoir être apte à engendrer et à construire le peuple d’Israël.

On retrouve aussi cette idée dans la Guémara (Guittin 58, a) : Rabbi Yéhochoua ben Hanania apprit qu’un enfant de belle apparence, aux cheveux bouclés, bien soignés, était en prison. Pourquoi la guémara précise-t-elle que ce jeune était beau et soigné? Pour nous apprendre que, bien qu’en prison chez des ennemis, sans parents ni amis, cet enfant gardait toute sa sérénité et son yichouv hadaat. Rabbi Yéhochoua alla se tenir à l’entrée de la prison et dit (à voix haute) « Qui a livré Yaacov au pillage et Israël aux bandits? » (Yéchayahou XLII,24). Cet enfant lui répondit : « C’est bien l’Eternel ! Car nous avons péché contre Lui, nous n’avons pas suivi Ses voies, ni écouté Sa Torah ».

Voyant en lui le potentiel d’un grand Sage (Moré Horaà) en Israël, Rabbi Yéhochoua ne quitta pas Rome sans l’avoir libéré, au prix d’une forte rançon. Et peu de temps après, cet enfant devint effectivement un grand Sage, enseignant la loi. C’était Rabbi Yichmaël ben Elicha !

SHABBAT SHALOM