Parachat Vayakel – Pékoudé

Bétsalel «fit la traverse du milieu pour (la faire) passer à l’intérieur des planches (disposées verticalement), de bout en bout (d’une extrémité à l’autre) » (Chémot 36,33).

Nos Sages expliquent que la traverse du milieu était aussi longue que le pourtour du Michkan. Elle parcourait ce périmètre en pénétrant à une extrémité, pour en ressortir de l’autre. Mais comme elle était faite de bois de Chitim et recouverte d’or, cette barre ne pouvait ni se plier ni se tordre ; il lui fallait pourtant passer d’un côté à l’autre et donc à angle droit. C’est  par miracle qu’elle occupait les parois du Michkan dans toutes ses longueurs et largeurs. Le Rav Chalom Chvadron zatsal souligne que la simple lecture  du verset laisse entendre que ce miracle dépendait de Bétsalel, qu’il était le fruit de son action.

Dans Parachat Vayikra (24,13) il est dit : « C’est en dehors du voile qui est sur le témoignage, dans la tente d’assignation, qu’Aharon l’entretiendra, depuis le soir jusqu’au matin, devant l’Eternel…perpétuellement… »  De quoi s’agit-il? D’une flamme, le Nér maaravi, lumière située à l’ouest. La Guémara (Ménahot 86b) explique que « le témoignage », c’est le témoignage devant toute l’humanité que la Chekhina, la présence divine, réside au sein du peuple d’Israël. En quoi consiste ce témoignage ?  Il s’agit, dit Rava, de la lampe orientée vers l’ouest, qui, bien qu’on y mettait la même quantité d’huile qu’aux autres lampes (voisines) du Luminaire, elle, brulait plus longtemps que les autres, qu’elle servait le lendemain à rallumer.

Il y avait pourtant  bien d’autres miracles au Temple, la Michna (Avot  ch 5,5) en dénombre dix ! Pourquoi donc spécialement ce miracle-ci était-il la preuve que la Chékhina reposait sur le peuple d’Israël? C’est que les autres miracles prouvaient la Présence divine dans le Temple, mais celui du Nér maaravi relevait d’une autre dimension. Il témoignait qu’Elle résidait sur le peuple d’Israël tout entier, et pas seulement au Temple. Parce que, répond le Rav Chvadron les autres miracles n’étaient  pas particulièrement  liés à une quelconque action de l’homme. Par contre le Nér maaravi lui, était le fait du cohen, lequel allumait cette veilleuse qui pouvait bruler par la suite continuellement. Cette Mitsva, le cohen devait l’accomplir avec la concentration et la pureté nécessaire, au nom de tout le peuple, de telle manière que le miracle puisse se réaliser. Et alors c’était le signe que la Présence divine résidait dans le peuple d’Israël, du fait de leur conduite dans ce monde ci.

C’est aussi le sens de la bénédiction prononcée le jour de l’inauguration du Michkan : « de la Tente d’Assignation, Moché et Aharon sortirent et bénirent le peuple » (Vayikra 9,23). Et Rachi d’expliquer : ils ont dit que « Telle soit Sa volonté, que la Chékhina repose sur l’œuvre de vos mains ». Hélas, quarante ans avant la destruction du temple, ce miracle particulièrement, ne se produisait plus, indiquant clairement aux enfants d’Israël que leurs actions n’étaient plus méritantes de miracle.

On peut comprendre, maintenant, le sens du verset de notre Paracha. Grâce à la pureté de son cœur, et à son degré d’élévation spirituelle, Bétsalel, l’artisan inspiré, « fit (put faire) la traverse du milieu pour passer à l’intérieur des poutres de bout en bout » et ériger le Michkan qui recevra la Présence divine sur tout Israël.

« Voyez, l’Eternel a désigné nommément Betsalel (…) Il l’a rempli d’une inspiration divine, de sagesse, d’intelligence, de connaissance et d’aptitude pour tous les arts… » (Chémot 35,30-31). L’artisan était prédestiné à la construction du Michkan, non seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan spirituel !

Parachat Pékoudé

         « Ainsi fut terminé tout le travail du tabernacle de la Tente d’assignation ; les enfants d’Israël l’avaient exécuté, agissant, en tout point, selon ce que l’Eternel avait ordonné à Moché » (Chémot XXXIX, 32).

Le rav Chlomo Klouguer zatsal relève l’ordre chronologique du verset et s’étonne : la Torah aurait dû, tout d’abord, témoigner que les enfants d’Israël l’avaient exécuté selon ce que l’Eternel avait ordonné et ensuite seulement déclarer terminé tout le travail du tabernacle. Il répond, comme nous l’enseignent nos Sages, par ailleurs, que le Michkan fut terminé par l’intervention divine, ce que suggère le terme : « fut terminé », choisi à dessein. Toutefois, le mérite des enfants d’Israël, n’est en rien amoindri, ayant fait le maximum, selon leurs possibilités, l’ensemble du travail leur est compté comme s’ils l’avaient eux-mêmes achevé.

         On peut mieux comprendre, à présent, le Midrach rabba (‘Hayé sarah) qui rapporte qu’avant sa mort, on montra à Rabbi Abahou treize rivières d’huile balsamique. Comme il s’étonnait et demandait à qui elles étaient réservées, on lui répondit qu’elles étaient pour lui. Rabbi Abahou s’exclama alors : « tout ceci pour moi alors que je pensais avoir travaillé dans le vide et dépensé mes forces pour le Tohou et le néant (Yéchaya XLIX,4) ! ». Comment comprendre Rabbi Abahou ? Ne savait il pas qu’une récompense est réservée aux Tsadikim ?

C’est que, nous explique le rav réouven Karlenstein zatsal, le mauvais penchant se renforce en l’homme, jour après jour, et sans l’aide constante de D…, l’homme ne pourrait vaincre son Yétser harah (Kidouchin 30b). Rabbi Abahou ne pensait pas mériter un quelconque salaire pour ses bonnes actions, car il les attribuait à  l’intervention divine, la « siyata dichmaya », qui toujours l’accompagnait, et ne s’attendait à aucune récompense.

Egalement, à l’érection du Tabernacle, il est dit «  Moché dressa le Tabernacle » (Chémot XL, 18). Rachi rapporte le Midrach Tan’houma : « parce qu’ils n’étaient pas capables de le monter, on apporta à Moché le Tabernacle » (Id. XXXIX, 33). Et comme Moché n’avait exécuté aucun travail dans sa fabrication, l’Eternel lui avait conféré l’honneur de le monter. Etant donné le poids des poutres, aucun homme n’aurait été capable de le faire seul. Moché demanda à D… : « comment pourrait-on le monter de la main d’un homme ? D… lui répondit : charge-t’-en de ta propre main et ce sera comme si c’est toi qui l’auras monté ». En fait le Tabernacle s’est dressé de lui-même ainsi qu’il est écrit : « … que fut érigé le Tabernacle » (Id. XL, 17). Et cependant la Torah nous dira que c’est «  Moché (qui) dressa le tabernacle ».

         Dans parachat Nasso, le texte revient encore sur ce mérite : « or le jour où Moché acheva de dresser le Tabernacle » (Bamidbar VII, 1). Rachi souligne que c’est pourtant Bétsalel et Aholiav et tous les « sages du cœur » qui ont fabriqué le Michkan, et nous précise que c’est parce que Moché s’est dévoué totalement, en examinant chaque élément de façon qu’il corresponde bien à ce que Hachem lui avait montré sur la montagne, afin d’instruire ceux qui auront réalisé le travail. Rachi cite David hamélékh qui, également, pour s’être totalement dévoué à sa construction, le Temple portera son nom comme il est écrit : « regarde ta maison David » (Mélakhim I, XII, 6).

Moché regrettait de ne pas avoir participé activement, de ses mains, à la fabrication du Michkan, mais D… lui avait dit (Midrach Tanhouma Tétsavé), qu’en tant que roi il ne devait que donner les ordres ! Comme il se dévouait à examiner chaque objet, D… lui octroya le devoir de le dresser. Mais il n’en était pas capable puisqu’aucun être humain ne pouvait lever de telles poutres. Il s’efforça, malgré tout, de tenter au maximum de ses possibilités. C’est alors qu’intervint l’aide du Ciel et que le Michkan fut érigé.

         Nous apprenons de là que lorsque l’homme fait son maximum dans l’accomplissement des mitsvot, il pourra bénéficier de la Providence divine, pour ce qui est normalement hors de sa portée, et qui lui sera accordé et compté comme s’il avait fait tout, tout seul, à l’instar de Moché et des enfants d’Israël dans la construction du Michkan.

Chabbat Chalom Oumévorakh