CHAVOUOT – Parachat Nasso (en Israel)

CHAVOUOT

Au début de parachat Haazinou, il est dit : « Est-ce ainsi que vous payez D… de retour, peuple insensé (naval) et peu sage (vélo ‘hakham) ?» (Dévarim XXXII, 6). Le Targoum Onkélos donne une traduction surprenante du mot naval : « peuple qui a reçu la Torah » !

Le mot naval est généralement péjoratif ; il désigne l’insensé comme il est dit (Téhilim XIV, 1) : « (naval) l’insensé a dit, en son cœur, il n’est point de D… », et ce pour décrier une mauvaise conduite comme il est dit : « l’homme pervers (naval) débite des propos pervers » (Yéchayahou XXXII, 6), ou encore : « que mon Seigneur ne s’occupe pas de cet homme indigne, ce naval, car il ressemble à son nom, Naval il se nomme, et naval (vil, fou) est son caractère »(Chmouel I, XXV, 25 ). Il est donc étonnant qu’Onkelos ait traduit différemment ce mot, et que « recevoir la Torah », en soit la bonne traduction !

Nous avons chanté, au Séder de Pessah : « S’Il nous avait amenés jusqu’au mont Sinaï, sans nous donner (par  la suite) la Torah, Dayénou ! (Cela nous aurait suffi !) »

Mais quel serait l’intérêt d’arriver au mont  Sinaï sans y recevoir la Torah ? C’est peut-être, tout simplement, que le mont Sinaï, ne serait pas tout juste un lieu géographique, mais une allusion au travail spirituel réalisé par les enfants d’Israël, pour  mériter le don de la Torah.

Le Rabbi Lévy Ytshak de Barditchov, zatsal, nous donne une explication originale. Nos Sages nous enseignent que nos ancêtres, Abraham Itz’hak et Yaakov,  ont accompli la Torah et Ses commandements, avant même de l’avoir reçue (Yoma 28b). Mais comment ont-ils pu connaitre la Torah, s’ils ne l’avaient pas encore reçue ?

La même question peut se poser sur le fameux « Naassé Vénichma » (nous ferons et nous entendrons), comment peut-on accomplir un commandement avant de l’avoir entendu ?

La Guémara (Makot 23b) nous enseigne que les mitsvots correspondent à l’âme, qui pénètre le corps de l’homme. Nous avons ainsi 248 commandements  positifs, en regard de nos 248 membres (détaillés dans la Michna Ahalot ch 1), et 365 commandements négatifs, face aux 365 « tendons » du corps humain. Chaque Mitsva a donc sa correspondance dans le corps de l’homme. De même que l’homme devine les besoins matériels de son corps, sans qu’on ne les lui enseigne, de même celui qui réussit à s’élever et à percevoir le côté spirituel de son corps, pourra deviner les besoins de son âme et accomplir les Mitsvot qui vont la nourrir.

C’est ce degré que nos Patriarches ont atteint, et qui leur a permis de  « deviner » toutes les Mitsvot de la Torah. Arrivés au mont Sinaï, après cinquante jours de préparation, les enfants d’Israël avaient, eux aussi, atteint le niveau de comprendre la Torah par eux-mêmes. C’est pourquoi si Hachem ne nous l’avait pas donnée, leurs efforts n’auraient pas été vains, ils auraient pu en accomplir les commandements à l’image des Patriarches.

De cette façon, poursuit le Barditchov Rébbé, on pourra répondre à la fameuse question des Tossafots (Chabbat 88b). Pourquoi, arrivés au mont Sinaï, Hachem renversa-t-Il la montagne au-dessus de leur tête, en les menaçant ? « Si vous n’acceptez pas la Torah, ici sera votre tombe! ».  Les enfants d’Israël, qui d’une seule voix s’étaient écriés « Naassé Vénichma », avaient-ils besoin d’être forcés ?

C’est que le « Naassé Vénichma » correspond  à la période où les juifs se sentaient  forts, et proches de leur Créateur, à un degré d’élévation spirituelle où l’homme peut deviner  par lui-même la Torah, et l’accomplir avant même d’apprendre, et de comprendre.

Cependant  l’homme ne peut pas toujours se maintenir à cette hauteur. Il y a parfois des moments de faiblesse spirituelle. Les enfants d’Israël auraient alors pu arguer qu’ils ne se sentaient pas obligés de tenir leurs engagements. C’est  pour cela, que D… renversa la montagne, et les menaça, afin que dans toutes situations, ils soient toujours tenus par le même engagement.

On comprendra maintenant la réponse que donne le Gaon de Vilna, à notre question, sur le Targoum d’Onkelos : « sa traduction nous révèle une remontrance faite au peuple d’Israël, qui a eu besoin de recevoir la Torah sur le mont Sinaï, alors qu’il aurait très bien pu la percevoir de par lui-même, à l’instar des patriarches, Abraham Its’hak et Yaakov ».

Parachat Nasso (Isrou hag en Israël)

De la femme Sotta (soupçonnée d’adultère) le verset dit : « le cohen écrira ces malédictions sur un parchemin et les effacera dans les eaux amères (effaçant aussi le nom de D…) ; et il fera boire à la femme le breuvage…» (Bamidbar V, 23-26).

Le Midrach Rabba (ch 9,6) rapporte que Rabbi Meir avait l’habitude, le vendredi soir, d’enseigner la Torah en public. Une femme, qui venait régulièrement l’écouter, rentra un jour en retard chez elle, après un cours prolongé. Toutes les lumières s’étaient éteintes. Son mari en colère la menaça : « tu ne rentreras à la maison qu’après avoir craché au visage de celui que tu es restée écouter ». Eliahou Hanavi fit savoir la chose à Rabbi Meir qui se rendit à la synagogue où cette femme se trouvait, aussi, pour prier. Rabbi Meir fit semblant de souffrir des yeux et demanda à cette femme si elle connaissait le remède consistant à cracher dans l’œil, en prononçant des formules particulières. « Crache sept fois dans cet œil lui demanda-t-il et alors j’irai mieux ». C’est ce qu’elle fit, très gênée, après beaucoup d’hésitations. Rabbi Méir lui dit alors : « tu peux maintenant rentrer chez toi et dis à ton mari que ce n’est pas seulement une fois que tu m’as craché au visage, mais sept ».

Ses élèves, indignés, lui demandèrent pourquoi avoir accepté cette humiliation, un tel manquement à l’honneur de la Torah.  Ils auraient préféré voir convoquer le mari grossier au Tribunal et le voir châtier par le fouet. Mais Rabbi Meir leur répondit : l’honneur de l’homme ne doit pas être plus grand que celui de son Créateur! Si l’Eternel permet d’effacer son Saint Nom, dans l’eau, pour ramener la paix entre un homme et sa femme, à plus forte raison que l’honneur de Meir doit être mis de côté!

Le Rav Eliahou Lopian zatsal souligne que Rabbi Meir ne dit pas à ses élèves qu’ils se trompent, leurs remarques sont justes ; malgré tout l’homme se doit de suivre les chemins de son Créateur comme il est dit : «  tu marcheras dans Ses voies » (Dévarim XXVIII, 9). Car l’Eternel aurait pu aussi ordonner de faire boire le breuvage à la femme sotta, sans pour autant faire effacer son Nom. Le résultat pourrait être le même, mais Il préféra « s’impliquer » Lui-même pour  ramener la paix dans ce foyer.

« Homme on t’a dit ce qui est bien, ce que le Seigneur demande de toi : rien que de pratiquer la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton D…» (Mikha VI, 8). Le verset ne dit pas pratiquer et faire la bonté mais aimer la bonté. Ce qui signifie s’impliquer soi-même pour arriver au résultat, même si on pourrait y arriver mais sans cette implication.

On peut aussi relever un autre point marquant dans cette Paracha. La femme sotta qui n’aurait pas fauté, qui « ne s’est pas souillée, si elle est restée pure, elle restera indemne et elle aura même une postérité » (Bamidbar 5, 28). Nos Sages précisent (voir Rachi) que si elle était stérile elle enfantera un garçon, si elle avait jusque-là des accouchements difficiles elle accouchera désormais sans peine, si elle n’avait que des filles elle aura des garçons. Cette femme s’était pourtant isolée. Elle n’a pas tenu compte des avertissements de son mari. On ne peut pas dire qu’elle soit des plus méritantes. Dès lors, on ne peut que s’étonner de ces promesses, que la Torah lui accorde en récompense.

C’est que la Torah reconnait les efforts de cette femme, que rien n’éloignait du péché. Elle a su, au dernier moment, se reprendre, faire marche arrière. C’est pourquoi l’Eternel lui accorde de si grandes récompenses. Parce que D… est attentif aux efforts de tout un chacun dans toutes les situations possibles.

Chabbat Chalom et Hag Saméa’h