« Parole de Bilaam … De celui qui entend le verbe divin, et connaît le secret du Très-Haut » (Bamidbar XXIV, 15-16). Nos Sages (dans Bérakhot 7a) s’étonnent : comment pouvait-il prétendre savoir, lui, qui n’a même pas su ce que son ânesse avait vu ? C’est qu’il lui avait été donné de savoir l’instant précis de la journée où s’enflamme la colère céleste. Mais l’Eternel, durant toute la vie de Bilaam, a retenu sa colère afin qu’il ne puisse pas en profiter pour maudire. Bilaam le dit clairement à Balak: « comment maudirais-je celui que D… n’a point maudit ? Comment menacerai-je quand l’Eternel est sans colère » (Id. XXIII, 8).
Lorsque D… apparait à Bilaam pour lui dire : « tu ne maudiras point ce peuple, car il est béni ! » (Id. XXII, 12), curieusement Bilaam se propose alors de le bénir. L’Eternel lui répond que « ce peuple n’a pas besoin de ta bénédiction car il est déjà béni. Comme pour l’abeille, à laquelle on dit : « je ne veux ni de ton miel, ni de ton dard ! » (Rachi au nom du Midrach Tan’houma).
Mais pourquoi refuser la bénédiction de Bilaam, si elle n’est d’aucune utilité, elle ne peut être nocive ? Quel est le dard (intentionnel) que cache Bilaam ? Comment comprendre qu’il veuille maintenant bénir ce peuple qu’il déteste tant ? Ce que Balak lui reprochera d’ailleurs : « c’est pour maudire mes ennemis que je t’avais appelé, et tu as persisté à les bénir par trois fois ! » (Id. XXIV, 10).
Le Midrach Rabba (Béréchit 60,13) rapporte que la raison pour laquelle Rivka a été, un temps, stérile, c’est afin que les idolâtres ne disent pas que c’est la prière de Lavan qui aura porté ses fruits. Il lui avait dit : « notre sœur, puisses-tu devenir des milliers de myriades ! » (Béréchit XXIV, 60). Aussi Rivka resta stérile pendant des années, jusqu’à l’intervention de Its’hak par ses prières.
Le rav Réouven Karlenchtein zatsal, explique que par ce même moyen, pour ne pas que la bénédiction lui soit attribuée, Bilaam espérait empêcher, sinon retarder, la Bérakha du peuple d’Israël. C’est pourquoi l’Eternel lui précise, « ce peuple est déjà béni » ; ce n’est pas comme pour Lavan, car ici la bénédiction de l’Eternel aura précédé celle de Bilaam.
La guémara (Moëd Katan 9a) nous raconte que Rabbi Yonathan Ben Aasmaï et Rabbi Yéouda ben Guérim étudiaient chez Rabbi Chimon Bar Yohaï. Ce dernier dit un jour à son fils, Rabbi Eléazar, de se rendre chez eux pour qu’ils le bénissent, « parce que ce sont de grands hommes ». A sa grande surprise, ils lui dirent : « que ce soit Sa volonté que tu sèmes, mais que tu ne récoltes pas ! Que tu entreposes ta marchandise mais que tu ne la vendes pas ! … Que tu ne vois pas une nouvelle année ! » Contrarié, il retourna chez son père lui rapportant ces paroles « désobligeantes », que Rabbi Chimon lui expliqua de façon positive. Car bien que les termes employés puissent faire croire à des malédictions, leur véritable intention était de bénir. Que tu sèmes etc. signifie que tu aies des enfants et qu’ils ne meurent pas. Que tu fasses rentrer chez toi des belles filles, sans avoir à les renvoyer par la mort de tes fils. Que ta femme ne meurt pas et que tu n’aies pas à recommencer une nouvelle première année.
Le Maharcha explique que les deux Sages, par humilité, voulaient que les bénédictions soient formulées par Rabbi Chimon, lui-même, quand il interpréterait leurs paroles, afin que leur réalisation soit rapportée au mérite du maître. Le Maharcha poursuit et rapporte la Guémara (Sanhédrin 105) qui dit que plus grande, et davantage bénéfique, est la malédiction de A’hiya Hachiloni que la bénédiction de Bilaam. Car l’intention de Bilaam étant contraire, toutes ses bénédictions se transformèrent, par la suite, en malédictions (aussi en raison de nos péchés).
Seule la bénédiction concernant les synagogues et les maisons d’études est restée intacte. C’est qu’elle a été prononcée de bon cœur avec intention, Bilaam s’étant mépris sur la qualité des discussions et des controverses qui les animent. « Qu’elles sont belles tes tentes, ô Yaacov ! Tes demeures Israël ».
Chabbat Chalom Oumévorakh