Notre Paracha débute par l’épisode des explorateurs, envoyés en éclaireurs, pour espionner la Terre d’Israël (et qui à leur retour vont en dire du mal) et se termine par la Mitsva des Tsitsits : « Cela formera pour vous des franges (Tsitsit) dont la vue vous rappellera tous les commandements de l’Eternel, afin que vous (…) ne vous égariez pas à la suite de votre coeur et de vos yeux… » (Bamidbar XV, 39).
Le Sifri précise : « ce verset te demande de faire en sorte que ton coeur ne soit pas ton explorateur ! » Cette remarque appelle des éclaircissements.
Le Rav Yéheskel Sarna zatsal de la Yéchiva de Hevron nous donne une belle explication. A deux reprises des explorateurs ont été envoyés en Terre d’Israël, la première fois par Moché et la seconde par Yéhochoua. Il est intéressant de noter, que les premiers explorateurs ont pu parcourir la terre, pendant quarante jours, tranquillement, sans être poursuivis par les habitants du pays ni dérangés par quiconque. Ils auraient pu être assassinés. Mais dans chaque ville où ils passaient, les chefs de la ville mourraient et l’attention de tous les habitants, occupés à leurs funérailles, était ainsi détournée de ce groupe d’espions étrangers. Ils ont même pu cueillir et ramener des fruits d’une taille exceptionnelle pour les montrer aux enfants d’Israël. Ah ! Si seulement ces explorateurs avaient voulu comprendre et voir la main de D… intervenant, à chaque instant, en leur faveur. Hélas ! Ils avaient projeté de faire un rapport défavorable, ils ne virent que du mal : « (ce) pays dévore ses habitants » (Ch. XIII,32) ; il en meurt un grand nombre chaque jour.
Quant aux seconds, envoyés par Yéhochoua, ils durent se dissimuler, et pourtant ils furent immédiatement repérés. Ils ne dépassèrent pas la muraille de Yériho, et se cachèrent dans la maison d’une courtisane nommée Ra’hav. Craignant d’être découverts et tués, ils durent s’enfuir de chez elle, la nuit-même, et attendre trois jours, près de la muraille, avant de regagner le campement des enfants d’Israël. Suite à une telle mésaventure, on aurait pu s’attendre à un rapport plutôt négatif de leur part : qu’ils décrivent une armée bien organisée exerçant une surveillance très serrée de la ville qui, de ce fait, serait très difficile à conquérir. Et pourtant c’est le contraire qu’ils rapportent. Ils n’ont retenu que la phrase de Ra’hav : « nous avons appris comment l’Eternel a mis à sec devant vous les eaux de la mer rouge… et aussi ce que vous avez fait aux deux rois amorréens… que vous avez exterminés… le coeur nous a manqué et personne ne s’est plus senti de courage devant vous! » (Yéhochoua II, 10-11). Aussi dirent-ils à Yéhochoua : « Assurément, l’Eternel a livré tout ce pays entre nos mains, et déjà tous ses habitants tremblent devant nous » (idem 24).
Nous voyons de là que l’interprétation des évènements que nous vivons dépend grandement de notre subjectivité, de ce que, du fond du coeur, nous désirons le plus et qui oriente notre regard et notre jugement. L’enseignement du Sifri revient à dire que ton exploration ne soit pas selon ton coeur. C’est pour cela que le verset mentionne le coeur avant les yeux. Celui qui n’a pas vu l’intervention de la Providence divine, en vérité, ne voulait pas la voir. Regarde plutôt le fil d’azur des Tsitsits au travers duquel tu te rappelleras le Ciel et l’Eternel pour accomplir ce que le verset dit : « Dans toutes tes voies, sache Le connaitre, et Il aplanira ta route » (Michlé III ,6).
SHABBAT SHALOM