Dans la Paracha de cette semaine nous lisons au deuxième paragraphe du Chéma : « si vous écoutez bien mes commandements que je vous ordonne aujourd’hui, d’aimer le Seigneur votre D… et de le servir de tout votre cœur et de toute votre âme » (Dévarim XI, 13).
On remarquera que contrairement au premier paragraphe du Chéma où il est dit : « Tu aimeras l’Eternel ton D…, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de tout ton pouvoir » (idem VI, 4), la mention de tout votre pouvoir n’y figure pas.
Le Rav Haïm de Vologine dans son livre Néféch Haïm (Chaar 1, chap 8) nous donne une réponse en rapportant, tout d’abord, la fameuse discussion entre Rabbi Yichmaël et Rabbi Chimon Bar Yohaï dans Bérakhot (35b). Le verset suivant nous dit : « je donnerai à votre pays la pluie opportune, pluie de printemps et pluie d’arrière-saison, et tu récolteras ton blé, et ton vin et ton huile » (id XI, 14). Mais il est dit, aussi : « ce livre de Torah ne doit pas quitter ta bouche, tu le méditeras jour et nuit afin d’en observer avec soin tout le contenu » (Yéhochoua 1,8). Comment accorder ces deux versets apparemment contradictoires?
Selon Rabbi Yichmaël, il faudra mener de front le Travail et l’Etude. Rabbi Chimon s’interroge : est-il possible que l’homme aille labourer, semer, récolter, vanner, trier etc…
qu’en serait-il alors de la Torah ? Il répond que si les enfants d’Israël accomplissent la volonté de leur Créateur, leur travail sera fait par les autres (peuples) comme il est dit : « des gens du dehors seront là pour faire paître vos troupeaux; des fils d’étrangers seront vos laboureurs et vos vignerons » (Yéchaya LXV, 5). Par contre si les enfants d’Israël n’accomplissent pas la volonté de D…, ils auront alors à travailler, eux-mêmes, la terre comme il est dit : « et tu récolteras ton blé, et ton vin et ton huile ». Beaucoup ont essayé de faire comme Rabbi Yichmaël, conclut Abayé, et ils ont réussi, d’autres comme Rabbi Chimon Bar Yohaï et ils n’ont pas réussi!
Beaucoup n’ont pas réussi, mais un petit nombre oui! Abayé, nous explique Rabbi Haïm de Vologine, vient nous enseigner que le conseil de Rabbi Chimon ne s’adresse pas au plus grand nombre. C’est une conduite qui relève du particulier.
C’est aussi la raison pour laquelle « de tout ton pouvoir », qui signifie de tous tes moyens et de tout ton argent, n’est marqué que dans le premier paragraphe, lequel s’adresse au singulier, à chacun en particulier. Le deuxième paragraphe, écrit au pluriel, s’adresse lui au peuple collectivement, et l’expression de tout votre pouvoir n’y est pas mentionnée.
Rabbi Néhoraï, qui, à la fin du traité de Kidouchin (82b), déclare : « je laisse tous les métiers du monde et n’enseigne à mon fils que la Torah » n’est autre que Rabbi Meir (voir Irouvin 13). Et pourtant Rabbi Meir nous enseigne, dans la même Michna, que l’homme doit apprendre à son fils un travail facile et propre.
Le Rav de Brisk, Rabbi Yitshak Zéév Soloveitchik zatsal, nous explique que Rabbi Meir, s’adressant à l’ensemble de la communauté, reprend l’opinion de Rabbi Yichmaël et afin de concilier travail et étude, conseille d’enseigner à son fils un travail facile qui lui permette de ne pas détourner sa pensée de l’étude. Quant à son fils, en particulier, c’est l’opinion de Rabbi Chimon qu’il lui propose de suivre lorsqu’il dit : « je n’enseigne à mon fils que la Torah », dans l’espoir qu’il se consacre uniquement à l’Etude, dans les conditions et au niveau qu’exige Rabbi Chimon Bar Yohaï.
SHABBAT SHALOM OUMEVORAH