« Le Cananéen, roi d’Arad qui habitait au sud, ayant appris qu’Israël s’acheminait par ces régions, attaqua Israël et fit quelques prisonniers » (Bamidbar XXI, 1).
Rachi nous fait remarquer qu’il s’agit de Amalek comme il est dit : « Amalek demeure dans le pays du sud » (supra XIII, 29). Il avait échangé sa langue contre celle de Canaan. Il pensait ainsi éviter d’être concerné par la prière des enfants d’Israël qui demanderaient à D… de leur livrer Canaan, puisqu’il n’en était pas. Mais les enfants d’Israël ayant constaté que leurs vêtements étaient ceux d’Amalek, bien que leur langue soit celle de Canaan, se sont dits, nous allons prier sans préciser le nom de ces gens, comme il est écrit « si Tu livres ce peuple en mon pouvoir » (XXI, 2).
Il est évident que si les enfants d’Israël avaient eu la certitude qu’il s’agissait d’Amalek, ils auraient mentionné son nom dans leur prière. Cependant, quand bien même auraient-ils invoqué contre Canaan, « l’Eternel est un Juge intègre qui sonde les reins et le coeur » (Yirmiyah XI, 20), et Il savait, Lui, qu’il s’agissait de Amalek, et Il aurait certainement agréé leur prière. Pourquoi donc ont-ils imploré « sans préciser de nom » ? (de là nous pouvons apprendre qu’il importe de le préciser dans nos prières).
Le Rav Meir Simha de Dvinsk zatsal répond dans son livre Méchekh ‘Hokhma, que grande est la force des mots de la prière ! Bien que l’intention de l’homme soit connue de l’Eternel, il ne sera pas exaucé s’il mentionne autre chose que ce à quoi il pense. D… nous a donné la parole pour demander avec des mots précis nos besoins et nos souhaits. Et ces mots ont un impact dans le Ciel qui lui accordera sa demande, ce qui n’est pas certain lorsque la demande est inexacte dans sa formulation.
La Halakha va dans ce sens. L’agriculteur qui a reçu une terre, en tant que métayer, la cultive et en profite, en échange du paiement au propriétaire d’une fraction de la récolte. Au cas où, du fait d’intempéries, le champ n’a rien donné, l’agriculteur ne doit rien au propriétaire (et aussi lorsque toute la région a été touchée). Cependant s’il était convenu de semer du blé et que l’agriculteur ait semé autre chose, le propriétaire pourrait argumenter : « j’ai prié pour du blé et mon champ aurait pu être épargné » (Baba Métsia 106a). Le métayer devra le dédommager et ne pourrait lui dire que sa prière n’aurait peut-être pas été agréée. Et cette halakha concerne tout un chacun.
Le Hidouché Harim de Gour zatsal souligne une autre particularité. Amalek s’est déguisé en Canaan, il a échangé sa langue contre celle des cananéens mais pas ses habits. Pour vraiment tromper les enfants d’Israël il aurait dû également changer ses caractéristiques vestimentaires. Mais l’homme qui change à la fois son langage et ses habits s’identifie entièrement à la personne dont il a emprunté ces caractères au point qu’il devient d’une certaine manière la personne elle-même qu’il a voulu imiter. Les enfants d’Israël auraient prié contre Canaan, et D… aurait livré Amalek, devenu Canaan.
Notre père Yaakov, lorsqu’il se présente devant son père Yitshak « habillé » (les mains et le cou de peau de chèvre) en Essav pour recevoir les bénédictions garde cependant sa voix, qui s’exprime avec douceur et gentillesse, et non pas avec dureté et agressivité comme s’exprime Essav. Yaakov n’a pas voulu modifier sa voix, car il aurait été alors Essav lui-même et aurait reçu une bénédiction convenant à Essav et pas celle d’Israël. Yitshak dira : « La voix est celle de Yaakov mais les mains sont celles de Essav » (Bérechit XXVII, 22). Et nos Maitres d’expliquer : tant que la voix de Yaacov, la voix de la Thora, se fera entendre les mains de Essav n’auront pas de pouvoir sur lui.
SHABBAT SHALOM OUMEVORAKH