Vers la fin de la paracha Bamidbar XXI le verset27 « C’est pour cela que disent les poètes (mochlim) : Venez à Hechbon! Cité de Si’hon qu’elle se relève et qu’elle se raffermisse ».
Ce verset énigmatique, nos Sages (Baba Batra 78b) l’explicitent en désignant ces poètes, les mochlim, qui sont ceux qui dominent (mochelim) leurs inclinations au mal. « Venez à ‘Hechbon : venez dresser la règle comptable (le ‘hechbon) de ce monde, venez considérer chacune de vos actions. En agissant ainsi vous construirez ce monde-ci et vous établirez votre monde à venir. »
Dans parachat ‘Hayé Sarah, le Yalkout Chimoni (109) nous rapporte un enseignement extraordinaire au sujet de Eliézer, le serviteur d’Abraham, qui est entré vivant au Gan Eden ! Yits’hak l’avait soupçonné à tort, d’avoir en chemin, mal agi avec Rivka, qu’il amenait chez Abraham. Lorsque Yits’hak eut la preuve de son erreur, l’Eternel dit aux anges : « Faites entrer Eliézer au Gan Eden », alors que Yits’hak en sortait, vivant, comme il est dit : « Il sortit pour prier dans les champs » (Beréchit XXIV, 63). D’où sortait-il ? Du Gan Eden ; Eliézer lui, y est entré, vivant !
Eliézer, le fils de Nimrod, l’esclave (d’Abraham), a pu accéder aux privilèges de ‘Hanokh, de Séra’h (la fille de Acher), du prophète Eliyahou et de rabbi Yéochoua ben Lévi ! Nos Sages nous révèlent (Midrach Rabba, Berechit 59, 8) que Eliézer ressemblait à Abraham son maître, et qu’il était, à son exemple, « mochel bekokho », attentif à la maîtrise de son mauvais penchant. L’élève d’Abraham, sera Roch Yéchiva et va transmettre toute la Torah qu’il aura reçue, (Yoma 28b). Comment a-t-il réussi à atteindre un tel niveau ?
Le Rav Eliyahou Lopian, zatsal, citant le Ram’hal, nous dit qu’à la résurrection des morts, l’homme reviendra dans le même corps que celui de son vivant. Toutefois, ce corps doit au préalable se purifier et se détacher de toutes ses appétences matérielles, pour atteindre le niveau spirituel correspondant à celui de son âme. C’est pourquoi il devra mourir, subir sa décomposition et les « tourments » de la tombe (‘hibout hakever). Une fois débarrassé de sa « matérialité », il pourra alors entrer au Gan Eden. Eliézer fait partie de ceux qui réussirent ce détachement de leur vivant-même.
La Guémara (Kétouvot 77b) nous raconte que Rabbi Yéhochoua ben Lévi demanda à l’Ange de la mort de lui montrer sa future place au paradis. Par sécurité, il lui réclama son couteau ! Arrivé au Ciel, il se précipita à cette place qu’il jura de ne pas quitter. Il échappait ainsi à l’Ange de la mort, qui ne pouvait, sans autorisation, l’amener à transgresser son serment. On décida alors, au Ciel, de vérifier si de son vivant, Rabbi Yéhochoua Ben Lévi avait déjà annulé un serment. Comme ce ne fut pas le cas, il resta à sa place, sans avoir à passer par la mort.
Le Rav Lopian poursuit qu’on a voulu vérifier l’attachement de Rabbi Yéhochoua Ben Lévi à sa matérialité. L’annulation d’un serment, ou d’un vœu éventuel, aurait été révélatrice d’une certaine attirance pour ce monde ici-bas, qui l’aurait amené à revenir sur son serment. La vérification confirma qu’il était au niveau de spiritualité requis pour pénétrer vivant au Gan Eden.
Le Midrach (Beréchit Rabba 60, 2) nous dit que « l’esclave intelligent … » (du verset de Michlé 17, 2) désigne Eliézer, qui fit un simple calcul. Il s’était dit : « Puisque je suis de toute façon destiné à être esclave, vu la malédiction de grand-père, qui a dit : maudit soit Kénaan, (Beréchit IX, 25), plutôt que d’être assujetti chez un descendant de Kouch ou chez un quelconque barbare, autant l’être dans la maison d’Abraham ».
C’est ce calcul, explique le Rav Karlenchtein, zatsal, qui marque le départ de toute son ascension, à l’invitation du verset « Venez à ‘Hechbon ». Venez dresser la règle comptable (‘hechbon) de ce monde-ci. Une prise de conscience fondamentale, qui nous mènera à chaque fois, à bien réfléchir pour faire le bon choix, celui qui pourra nous assurer le monde futur.
Chabbat Chalom Oumévorakh