Après dix ans de mariage, « Saraï, épouse d’Avram, ne lui avait pas donné d’enfant ». Elle proposa à son époux : « approche toi donc de mon esclave (Hagar), peut être que par elle, aurai-je un enfant ». Avram « s’approcha d’Hagar, et elle conçut. Quand elle vit qu’elle avait conçu, sa maitresse devint l’objet de son dédain » (Berechit XVI, 1-2-4). « Saraï l’humilia, (en privé d’abord, puis même en public, en lui imposant des tâches subalternes) et Hagars’enfuit de devant elle » (Id.6).
Hagar était la fille du Pharaon d’Egypte. Lorsqu’il vit les miracles dont avait bénéficié Sarah, il s’était dit : « Mieux vaut que ma fille soit servante dans la maison de cet homme (Abraham) plutôt que maîtresse dans la maison d’un autre » (Rachi XVI, 1, au nom du Midrach Raba). Servante, au service de Sarah, Hagar, la princesse égyptienne, a certainement dû faire de gros sacrifices. Pourquoi, une fois enceinte, ne pouvait-elle plus supporter les petites humiliations que lui faisait subir Sarah ?
« Sa maîtresse devint l’objet de son dédain », Rachi rapporte qu’elle s’était dit : « cette Saraï, sa personnalité profonde ne ressemble pas aux apparences extérieures. Elle se donne des airs de femme vertueuse, mais elle ne l’est pas, puisqu’elle n’a pas mérité, toutes ces années, de tomber enceinte, alors que je le suis moi, et ce dès le premier rapport ». C’est, nous dit le Rav Israël Loubtsianski zatsal de Baranovitch, que tous les sacrifices d’Hagar, à ce jour, étaient liés au fait qu’elle voyait en Sarah une Tsadékét ; mais persuadée maintenant qu’elle ne l’était pas, elle ne pouvait plus rester chez elle plus longtemps, et en souffrir.
Mais comment expliquer que Hagar ait conçu aussi rapidement, contrairement à la pieuse Sarah ?
Rabbi Hannina Ben Pazi au Midrach (Rabba 45,5) répond que les ronces poussent facilement sans qu’il y ait besoin de les semer, ni de désherber autour d’elles. Par contre, pour le blé, il faut soigneusement préparer la terre et peiner à la travailler. Pourquoi nos matriarches étaient-elles stériles ? Parce que l’Eternel recherchait et attendait leurs prières. C’est ce que le verset (Chir Hachirim II, 14) nous dit : « Ma colombe, nichée dans les fentes du rocher(stérile, comme le rocher qui ne donne pas de fruit), … fais-Moi entendre ta voix (ta voix, dans des prières) car ta voix est suave».
Ce Midrach nous enseigne donc que si Sarah n’était pas féconde, c’était pour l’amener à prier. Hachem a voulu que Rivka et Ra’hel soient également, au départ, stériles, et ce pour inciter nos ancêtres à la prière, afin de leur donner une progéniture de qualité. La naissance d’Yts’hak ne pouvait survenir, sans de nombreuses prières, de même que pour obtenir le meilleur de la terre, de nombreux travaux des champs sont nécessaires.
A propos du verset (Chmouel Un, I, 25) « on immola l’un des taureaux puis on présenta l’enfant à ‘Eli », nos Sages expliquent qu’au Temple de Chilo, on cherchait un cohen pour la chéhita du sacrifice. Chmouel, alors enfant, déclara que la chehita était valable même faite par un simple Israël, non cohen. On l’amena devant ‘Eli qui était le Cohen Gadol et aussi le Grand de sa génération, qui lui dit : « tu as effectivement raison, mais tu as enseigné une halakha devant ton maître et tu es donc passible de mort ». On immola le taureau mais on présenta l’enfant à ‘Eli qui voulait le punir. C’est alors que sa mère, ‘Hanna se présenta, suppliant ‘Eli de lui pardonner pour qu’il ait la vie sauve. ‘Eli refusa tout d’abord, lui disant : « je prierais pour toi, pour que tu ais un autre enfant, encore plus grand, que celui-ci ». Mais ‘Hanna lui répondit : « Je suis cette femme que tu as vue ici près de toi implorer l’Eternel. C’est pour obtenir cet enfant que j’avais prié et l’Eternel m’a accordé ce que je lui avais demandé » (verset 26-27).
Pourquoi ‘Hanna refusa-t-elle un autre enfant quand bien même serait-il plus grand que Chmouel, le futur prophète ? Parce que l’enfant né après tous ses pleurs et après tant de prières vaudra toujours plus qu’un autre qui lui serait offert sans effort de sa part.