« D… dit à Abraham : Sache-le-bien, tes descendants séjourneront sur une terre étrangère, ils y seront asservis et opprimés durant quatre cents ans. Mais à son tour, la nation qu’ils serviront sera jugée par Moi ; et alors ils la quitteront avec de grandes richesses. » (Beréchit XV, 13-14)
Dans ce verset l’Eternel promet à Abraham de punir les égyptiens qui auront assujetti les enfants d’Israël. Mais quelle importance cela peut-il avoir pour Abraham de savoir que les égyptiens seront jugés et punis pour leurs méfaits ? Dans la Haggada de Pessah nous disons bien que : « S’Il nous avait (seulement) sortis d’Egypte, sans exercer de châtiments contre les égyptiens (…) et sans nous donner leur richesse, Dayénou ! (cela nous aurait suffi).» Mais, quel intérêt pour nous, enfants d’Israël, que D… punisse ce peuple qui nous aura asservis ?
« L’Eternel dit à Moché : regarde ! Je fais de toi un juge à l’égard de Pharaon » (Chémot VII, 1). Rachi commente : un juge qui sanctionne, pour le frapper avec des plaies et par des souffrances. Le Rav de Brisk, zatsal, expliquait que les plaies de l’Egypte n’étaient pas, tout juste le moyen de faire sortir les enfants d’Israël de l’esclavage, mais celui d’accomplir la promesse faite à Abraham de châtier les égyptiens, et Moché Rabbénou fut nommé juge pour ce faire. Mais pourquoi cette promesse a-t-elle été donnée?
Le rav Chimchon Pinkous, zatsal, nous donne une belle illustration dans la parabole suivante : Imaginons un homme, qu’on appellera Réouven, qui enlève le fils de Chimon, le séquestre, en fait son esclave et le charge de toutes les besognes possibles. Ce fils esclave, prisonnier, n’entrevoit aucune occasion de s’enfuir. Son père Chimon, après maintes recherches, réussit à le retrouver et le libère. Mais son fils restera entaché, pour la vie, d’avoir été esclave ! Ceux qui l’ont connu se demanderont comment a-t-il été affranchi. Cependant si Chimon fait ses comptes avec Réouven, lui fait payer chaque jour de travail, toutes les besognes accomplies par son fils, et finit par le rouer de coups aux yeux de tous, alors son fils retrouvera tout son honneur. Tout le monde se rendra à l’évidence que ce Réouven était un voleur, et qu’il avait profité de la faiblesse de ce jeune homme pour en faire son esclave.
C’est ainsi qu’il convient de comprendre notre verset. Abraham s’inquiétait qu’après quatre cents ans d’esclavage, ses descendants soient dépréciés et désignés en tant que « peuple d’esclaves », une appellation déshonorante. C’est pourquoi l’Eternel lui promet que non seulement ils sortiront avec de grandes richesses et que les comptes seront faits pour ces années d’esclavage (Sanhédrin 91a) mais plus encore « la nation qu’ils serviront sera jugée par Moi », et les égyptiens seront punis pour les avoir assujettis par la force. Les enfants d’Israël ne seront alors plus jamais appelés « des esclaves ».
Aussi, poursuit le rav Pinkous, on comprendra mieux un autre passage de notre paracha. Abraham accepte les présents donnés par Pharaon qui demande pardon d’avoir séquestré Sarah. Par contre, au Chapitre XIV, verset 23, après avoir récupéré le butin pris à Sodome, Abraham refusera au roi de Sodome de prendre pour lui-même, « fût-ce un fil, fût-ce la courroie d’une sandale, je ne prendrai rien de ce qui est à toi ». Pourquoi cette différence de comportement? D’après ce que nous avons vu plus haut la réponse est simple. Abraham accepte les présents offerts par Pharaon qui s’excusait d’avoir séquestré Sarah, parce que tous ces cadeaux sont la preuve que Pharaon l’ait respectée.
Le Ramban nous enseigne (sur Chemot XIII, 10) un grand principe : « l’action des parents est un signe pour leurs enfants », principe en vertu duquel les richesses récoltées à la sortie d’Egypte sont en rapport avec les largesses qu’Abraham accepta, de même, que les terribles plaies infligées par l’Eternel au Pharaon et à sa maison sont en rapport avec les coups portés à son ancêtre Pharaon, lors de l’épisode de Sarah.
Chabbat Chalom Oumévorakh