« Voici l’itinéraire des enfants d’Israël, depuis qu’ils furent sortis du pays d’Egypte, selon leurs légions, sous la conduite de Moché et de Aaron » (Bamidbar XXXIII, 1). La Torah énumère ensuite ces différents lieux de passage.
Pourquoi avoir mentionné chacune de ces étapes, nous dit Rachi (au nom de Rabbi Moché Hadarchan) : « pour t’enseigner la bonté de l’Eternel. Bien qu’Il les ait condamnés à errer dans le désert, ne crois pas qu’ils étaient ballotés, toutes ces quarante années, d’une destination à l’autre, sans repos, car voilà il n’y a eu que quarante-deux stations. Et si l’on soustrait les quatorze haltes de la première année (…) et les huit de la dernière (…) restent vingt étapes en trente huit ans ».
Le Rambam rajoute qu’il importait de mentionner ces destinations. Qui assiste à un miracle de visu en est convaincu, mais les générations futures auront du mal à croire qu’un peuple aussi nombreux ait pu survivre quarante ans dans le désert, nourri quotidiennement de la seule manne, traversant une région inapte aux semences, où il n’y a ni figuier ni vigne ni grenade, où « vous n’avez pas mangé de pain, ni bu de vin ni d’alcool » (Dévarim XXIX, 5). Ils diraient que les endroits traversés étaient des régions habitables avec des sources d’eau et des plantations et que les enfants d’Israël avaient vécu comme toute tribu nomade de nos jours. C’est pourquoi Moché donne ces précisions, et cite les étapes, les unes après les autres, des zones réputées inhabitables.
Ces paroles du Rambam sont surprenantes. La Torah rapporte à plusieurs reprises des réclamations, formulées dans le désert pendant ces quarante ans, après lesquelles D… a envoyé : la manne, les cailles, l’eau du rocher, le puits de Miryam… Est-il encore possible de douter et de prétendre que les lieux du désert traversés étaient en fait des endroits habités? La Torah se devait-elle de mentionner en détail les noms des différentes stations pour démontrer qu’ils étaient loin de toute civilisation?
Le Rav Yehezkel Levinstein zatsal répond que la Torah veut nous élever à un degré supérieur de Emouna. Notre croyance en tel évènement rapporté par la Torah, notre adhésion à telle idée peut n’être que superficielle. Ressentir et vivre en empathie la situation relève d’une autre perception. Lorsque D… demande à Moché d’aller en Egypte libérer les enfants d’Israël. Moché Lui répond : « mais ils ne me croiront pas. Et D… lui dit : c’est de la médisance, ils sont croyants fils de croyants ! » Pourtant ce n’est qu’après la traversée de la mer rouge qu’il est écrit : « et ils eurent foi en l’Eternel et en Moché son serviteur » (Chemot XIV, 31). Est-ce à dire que jusque-là ils ne l’avaient pas? C’est qu’au départ leur Emouna (en Moché) était limitée à cette promesse, transmise, qu’un jour viendrait le libérateur, avec le mot de passe : « פקוד פקדתי Pakod pakadti » (Chemot III, 16). Après les dix plaies, après la sortie d’Egypte, ce n’est qu’à la traversée de la mer rouge que cette Emouna se concrétise, qu’elle est vécue, ressentie. (אמונה של ידיעה ואמונה חושית) Ici, dans notre Paracha, conclut le Rav, la Torah mentionne le nom de chacune des stations, car ces endroits traversés étaient des lieux connus de tous comme étant désertiques, et loin de toute habitation. Il nous est demandé d’intérioriser la situation à chacune des étapes, et de la vivre dans une Emouna élevée au niveau de la אמונה חושית, une foi profonde imprégnée de tous ces miracles que D… accorda aux enfants d’Israël dans le désert.