« Comme vous allez pasaser le Jourdain pour gagner le pays de Canaan, vous préparerez pour vous des villes ; elles seront pour vous cités d’asile ; là s’enfuira le meurtrier, homicide par imprudence » (Bamidbar XXXV, 10-11).
De ces six villes de refuge, Moché, avant sa mort, en désigna trois en deçà du Jourdain, et après lui, Yéhochoua les trois autres, en regard des premières, dans le pays de Canaan. Ces villes devaient servir de refuge simultanément, c’est pourquoi elles ne furent opérationnelles qu’après quatorze ans, le temps de la conquête et du partage de la terre d’Israël.
Mais jusque là où donc se rendait le meurtrier par inadvertance, pour échapper au vengeur de sang, lancé à sa poursuite ? Peut-on dire que pendant ces quatorze années il n’y eut pas de meurtre ?
La guémara (Makkot 11a) nous enseigne que la mort du Cohen Gadol libère le meurtrier involontaire, qui peut alors retourner chez lui. C’est pourquoi les mères des Cohanim Guédolim se rendaient fréquemment dans ces cités d’asile et apportaient aux exilés de la nourriture et des vêtements, afin qu’ils ne prient pas pour la mort de leur fils. Quelle faute lui était reprochée ? Le Cohen Gadol aurait dû implorer la miséricorde divine pour sa génération et il ne l’a pas fait. Il faut dire que pendant ces quatorze ans, le Cohen Gadol, qui n’était autre qu’Eléazar, le fils d’Aaron, a certainement prié avec ferveur pour sa génération, et implorer qu’un tel accident ne puisse arriver.
Le rav Réouven Karlenchtein zatsal, rapporte la guémara (Zévahim 117a) sur le verset : « Je te désignerai un endroit, où il se réfugiera » (Chémot XXI, 23), cet endroit, dans le désert, c’était le camp des lévyim. Mais pendant ces quarante ans du désert, comme c’est Aaron qui était le Cohen Gadol, il serait aussi logique de penser qu’il pria pour le peuple et qu’il n’y a pas eu besoin de lieu de refuge.
Le Béer Yossef cite le Arizal qui interroge ce verset. « Je te (lékha) désignerai un endroit » ; « lékha » pour toi, comme si Moché, lui-même, en avait besoin. Pourtant la suite du verset dit « où il se réfugiera », de qui s’agit-il ? D’un autre, d’un assassin. Le Arizal rapporte le Zohar (Ràya Méhemna, Michpatim) qui révèle que lorsque Moché tua l’égyptien en Egypte, le Satan « Samekh Mém », voulut s’en prendre à lui, dans le rôle du vengeur de sang. C’est alors que l’Eternel dit à Moché : « il ne te touchera pas, mais tu devras rester dans le campement des Lévyim, qui sera ta ville-refuge ». Pour toi, Je désignerai un endroit : pour Moché lui-même.
Mais Moché était meurtrier volontaire et les villes de refuge ne le sont pas pour les meurtriers délibérés ! Le Arizal répond (d’après le Zohar) que Moché tua l’égyptien parce que celui-ci était la réincarnation de Caïn, (qui avait tué son frère), et que sa mort lui faisait réparation de sa faute. De ce fait, l’acte de Moché qui apportait le Tikoun (réparation) à cet égyptien (âme de Caïn) est considéré comme un acte par inadvertance.
Le rav Béer Yossef conclut que le campement des lévyim n’abritait pas d’assassin, car la prière de Aaron était suffisante, mais il protégeait Moché, lui-même, du « Samekh Mem ».
L’ange de Rome, responsable de tous les crimes commis contre Israël par les descendants de Essav, pensera que, comme Moché, il pourrait trouver asile dans une ville-refuge. La guémara (Makot 12a) nous dit, qu’à la fin des temps, il fera trois erreurs, comme il est écrit (Yéchayahou LXIII, 1) : « Quel est celui qui vient d’Edom, qui arrive de Botsra, les vêtements maculés de sang ». Il se trompera croyant que la ville-refuge est Botsra alors que c’est Betser. Il pensera qu’à l’instar de Moché, elle lui servira d’asile alors qu’elle est réservée aux meurtriers involontaires. Enfin, certes Moché est appelé « ange » comme il est dit : « nous avons imploré l’Eternel … Il nous a envoyé un ange qui nous a fait sortir d’Egypte » (Badmidbar XX, 16), maisune ville de refuge ne protège que les hommes et le mentor céleste d’Edom, lui, est un ange !