Parachat Nitsavim – Vayelekh

Dans la Paracha de cette semaine, nous lisons : « Car cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas trop élevée pour toi ni trop lointaine. Elle n’est pas au ciel (…) Et elle n’est pas non plus au-delà des mers (…) Elle est au contraire très proche de toi : dans ta bouche et dans ton coeur, pour être accomplie » (Dévarim XXX, 11-14).

De quelle loi, de quelle Mitsva s’agit-il? Certains Richonim expliquent qu’il s’agit de la Mitsva de l’Etude et de l’observance de la Torah. Mais pour le Sforno et le Ramban ces versets parlent de la Mitsva de Téchouva (du repentir, du retour). Mais la Téchouva nous est-elle si proche et si facile à accomplir? En pratique, nous voyons plutôt qu’il est difficile, pour tout un chacun, de faire ce grand pas de Téchouva, qui n’est pas si évident, quel que soit le niveau.

Le Rav Haïm Chmoulévitch zatsal, Roch Yéchivat Mir, répond que la difficulté est due au fait que l’homme s’habitue à son comportement et ne remarque pas que sa situation se dégrade. Seul un brusque réveil lui permettrait de se rendre compte de son état, et le ramènerait sur la bonne voie.
Nous trouvons à maintes reprises dans le Talmud et dans les midrachim que c’est « l’effet de surprise » qui favorise, à bien des hommes, le retour en Téchouva. Comme cette histoire rapportée dans le Yalkout Chimoni Toldot (115) : « Yakoum le neveu de Rabbi Yossé ben Yoézer était à cheval un jour de Chabbat, alors que son oncle était emmené à la potence (condamné à mort par les ennemis d’Israël). Yakoum lui dit : regarde le cheval que mon maitre m’a donné et compare-le à celui que ton Maitre t’a réservé. Yossé ben Yoézer lui répond : s’il en est ainsi pour celui qui Le contrarie, il en sera à plus forte raison pour celui qui accomplira Sa volonté. Son neveu lui rétorque : y a-t-il quelqu’un au monde qui ait plus fait Sa volonté que toi? Alors reprend Rabbi Yossé s’il en est ainsi pour celui qui accomplit Sa volonté, il en sera davantage pour qui le contrarie. Ebranlé par ces paroles, le neveu fit subitement Téchouva, jusqu’à faire accomplir sur lui-même les quatre sentences de mort du Tribunal d’ici-bas. Rabbi Yossé eut la vision du corps de son neveu s’élevant au ciel et s’exclama : en ces quelques instants il m’aura devancé au Gan Eden ».
On peut supposer que, dans le passé, Rabbi Yossé ait sûrement tenté de ramener son neveu dans le chemin de la Torah, et manifestement sans succès jusqu’à cet échange, qui va interpeller Yakoum et déclencher sa prise de conscience brutale, laquelle, en un éclair, va le ramener en Téchouva. C’est aussi ce qui est rapporté dans la Guémara Avoda Zara (17a) à propos d’Eleazar ben Dourdaya qui, au moment même où il s’apprêtait à fauter, a été secoué par la remontrance d’une courtisane et s’est ressaisi. Il sera appelé Rabbi Eleazar ben Dourdaya !
C’est que l’homme prisonnier de la routine somnole dans ses habitudes. Pour le détacher et le réveiller il faut une situation, un évènement, un mot qui l’apostrophent et ce choc lui ouvrira les chemins de la Téchouva. La première réponse de Rabbi Yossé surprend tout d’abord Yakoum étonné qu’un Tsadik comme son oncle soit mis à mort. La seconde réponse va provoquer le choc et la véritable remise en question qui le mène à agir, grâce à quoi il ira directement au Gan Eden, précédant même son oncle Yossé ben Yoezer.

Parachat VAYELEKH

« Et maintenant, écrivez ce Cantique, enseigne-le aux enfants d’Israël et mets-le dans leur bouche, afin que ce Cantique me serve de témoin contre les enfants d’Israël » (Dévarim XXXI, 19).
Rabbi Akiva nous dit (Guémara Erouvin 54b) : « d’où sait-on que l’on doit répéter l’enseignement aux élèves jusqu’à ce qu’ils le sachent ? On l’apprend du verset : «enseigne-le aux enfants d’Israël ». Et d’où l’on sait qu’il faille le répéter jusqu’à ce qu’il leur soit familier ? De la suite du verset : « mets-le dans leur bouche ».
La Guémara nous raconte ensuite que Rabbi Preïda avait un élève à qui il devait répéter la leçon quatre cents fois pour qu’elle soit bien comprise. Rabbi Preïda devait, un jour, quitter plus tôt le Beth Hamidrach pour accomplir une Mitsva. Et ce jour-là, même après les quatre cents fois, l’élève n’avait toujours pas compris. Celui-ci expliqua qu’il n’arrivait pas à se concentrer à l’idée que le maître allait s’en aller d’un instant à l’autre. C’est alors que Rabbi Preïda, avec beaucoup de patience, pris tout son temps pour lui répéter l’enseignement quatre cents fois supplémentaires. Une voix du ciel se fit alors entendre pour lui demander : « préfères-tu qu’on rajoute quatre cents ans à ta vie ou bien que toi et toute ta génération ayez droit au monde futur. Rabbi Preïda ayant opté pour le monde futur pour tous, le Saint béni soit-Il décréta : « qu’on lui accorde l’un et l’autre ».

Nous savons tous que l’essentiel est le monde futur et que tout le but de notre vie ici-bas est d’y accéder. Dès lors, s’étonne le Béér Yossef, en quoi le fait d’avoir choisi le monde futur est-il si méritoire pour qu’il soit accordé à Rav Preïda quatre cents ans de vie supplémentaire?
L’Eternel est apparu à Chlomo Hamélékh, « dans un songe nocturne … qui lui dit : Demande : que dois-Je te donner?» Chlomo répondit : « Tu as témoigné à ton serviteur, à mon père David, une très grande faveur, parce qu’il a marché devant Toi avec sincérité, justice et droiture de coeur … Tu m’as fait régner … et je suis un tout jeune homme, inhabile à me conduire … Donne donc à ton serviteur un coeur intelligent, capable de juger Ton peuple …» D.ieu lui dit « parce que tu n’as pas demandé de longs jours, ni des richesses, ni la vie de tes ennemis, mais seulement l’intelligence … Je te donne un tel esprit de sagesse et d’intelligence que ton pareil n’a pas existé avant toi, ni ne se verra pas après toi. Mais Je te donne de plus … la richesse et la gloire pendant toute la durée de ta vie » (Mélakhim I, chap III, 5à13).
Le roi Chlomo, qui avait à cette époque onze ans, aurait pu demander autre chose que l’intelligence et l’on peut très bien comprendre qu’il soit récompensé pour un tel choix. Quant à Rabbi Preïda que peut-on dire?
Le Rav Yossef Tsvi Salant zatsal, répond dans son livre Béér Yossef, que Rabbi Preïda était certainement un grand Tsadik à qui quatre cents années de plus, auraient permis d’accomplir nombre de Mitsvot supplémentaires et d’accéder aux plus hauts niveaux dans le monde futur. Mais il préféra laisser de côté son intérêt personnel et opter pour la deuxième proposition accordant ainsi à toute sa génération une part au monde futur. Et c’est pour avoir choisi le bien, l’intérêt collectif, que D… lui accorda et l’un et l’autre, afin qu’il ne perde pas les quatre cents années qu’on lui proposait.

SHABBAT SHALOM OUMEVORAKH