« Attaquez les Madianites (…) car ils se sont montrés vos ennemis, par les ruses qu’ils ont machinées contre vous, à cause de Péôr et au moyen de Kozbi » (Bamidbar XXV, 17-18). Parce que ce sont eux qui ont conseillé à Moab de prostituer ses filles, avec lesquelles« le peuple d’Israël se livra à la débauche » (Id. 1).
Pourtant la sainteté des enfants d’Israël dans le désert était exemplaire. Leurs tentes étaient disposées de telle sorte que leurs portes ne se trouvaient pas face à face, pour éviter « tout dommage du regard ». Même Bilaam qui les détestait tant, et qui souhaitait leur jeter son mauvais œil, ne put leur faire du mal ! « Bilaam leva les yeux et vit Israël campant d’après ses tribus (…) Que tes tentes sont belles ô Yaacov » (Bamidbar XXIV, 2 et 5), car ils vivaient dans une grande pudeur (tsniout), et dans la présence effective de la Chékhina. (D’après Rachi et Baba Batra 60a)
Comment expliquer que ce peuple saint ait failli à ce point, et qu’il ait si rapidement suivi les filles de Moab, jusqu’à consentir à l’idolâtrie du Baal Péôr ?
En Egypte, le pays dépravé de l’époque, les enfants d’Israël n’avaient pourtant pas trébuché. Comme dit le Midrach (Bamidbar rabba 20, 21) du verset (Chir hachirim IV, 12) : « c’est un jardin clos que ma sœur, ma fiancée, une source fermée une fontaine scellée » : il fait allusion au comportement remarquable des jeunes filles et des jeunes garçons en Egypte. Une seule femme aura fauté, aussitôt mentionnée au verset du « fils d’une femme israélite, lequel avait pour père un Egyptien » (Vayikra XXIV, 10).
Après les quarante années « protectrices » du désert, c’est en arrivant à Chittîm que le peuple va fauter. Le mot Chittîm sous-entend « chtout », un esprit de folie ! Car « commettre un adultère, c’est être insensé » (Michlé VI, 32).
Le Midrach poursuit et nous révèle que l’eau que nous buvons peut nous influencer, selon sa provenance. Il est des sources qui peuvent nous rendre forts ou beaux, d’autres qui nous affaibliraient, etc. La source de Chittîm desservait la région de Sodome, ville de mauvaises mœurs. Mais un jour, « une source jaillira de la maison de l’Eternel et arrosera la vallée de Chittîm » (Yoël IV, 18) ; la première sera asséchée et remplacée par une bien meilleure.
Mais puisque les enfants d’Israël suivaient la colonne de nuée, ils ne se déplaçaient que sur l’ordre de D…, c’est donc Lui qui les amena à cet endroit. Ils ne pouvaient pas faire autrement que de boire l’eau de cette source, d’influence néfaste. Ils fautèrent donc, malgré eux, entrainés par la mauvaise influence de cette source ! Comment le leur reprocher ?
Le rav Haim Fridlander zatsal (sifté hayim Pinhas) répond que D… n’envoie pas à l’homme d’épreuves qu’il ne puisse surmonter. Lorsqu’il se dirige vers un endroit où il risque de se trouver en difficulté, un homme sensé doit savoir s’abriter, en établissant des barrières protectrices. C’est donc un manque de préparation et de vigilance qui est reproché aux bnéi Israël.
Rabbi Yo’hanan enseigne (Sanhedrin 106) que le mot vayéchev dans la Torah est toujours de mauvais présage. « Yaakov demeura (vayechev)… dans le pays de Canaan » (Berechit XXXVII, 1). Il espérait s’installer en toute tranquillité, mais immédiatement intervient la vente de Yossef par ses frères ; « Israël (Yaakov) s’établit (vayéchev) dans le pays de l’Egypte » et aussitôt « les jours d’Israël approchèrent de leur terme » (Béréchit XLVII, 27-29). Ici aussi : « Israël s’établit (vayéchev) à Chittîm. Là le peuple se livra à ladébauche avec les filles de Moav » (Bamidbar XXV, 1).
Justement poursuit le rav Fridlander, en Egypte, les enfants d’Israël ont su se préserver, et ne pas suivre le mode de vie des égyptiens. Par contre, après les quarante ans passés dans le désert, ils se sentaient sûrs d’eux-mêmes, et arrivés à Chittîm, en toute tranquillité, ils ont baissé la garde. C’est pourquoi dès qu’ils ont bu l’eau de cette source, le chemin vers la faute a été si rapide.
Chabbat Chalom