Après que l’Eternel ait dit à Moché qu’il n’entrerait pas en terre d’Israël, à l’épisode des eaux de Mérivah, pour avoir frappé le rocher au lieu de lui parler, Moché demanda : « Que l’Eternel, le Dieu des esprits de toute chair, institue un chef sur cette communauté, qui marche sans cesse à leur tête et qui dirige tous leurs mouvements afin que la communauté de l’Eternel ne soit pas un troupeau sans berger». L’Eternel lui répondit : « Fais approcher de toi Yéhochoua, fils de Noun, homme animé d’esprit, et impose ta main sur lui » (Bamidbar XXVII, 16 à 18).
Moché ne pensait pas que Yéhochoua serait son héritier, mais songeait à ses fils et espérait les voir lui succéder ; D… lui dit que Yéhochoua convenait mieux, du fait de sa fidélité, pour n’avoir « pas quitté l’intérieur de la tente » (Chemot XXXIII, 11), comme il est dit : « Qui garde le figuier mangera de ses fruits » (Michlé XXVII, 18). Moché connaissait mieux que quiconque son élève et pourtant il n’avait pas pensé à lui.
Le Sabba de Novardok zatsal explique que Moché Rabbénou s’adressa à D… en ces termes « D…des esprits (Harou’hot) de toute chair, Maitre du monde, la pensée de tout homme est clairement dévoilée devant Toi, et chacune diffère de l’autre. Veuille nommer sur eux, un chef qui sache gérer tout un chacun, selon son tempérament ! ». L’Eternel lui répond : « toi, tu recherches un homme capable de comprendre chacun des enfants d’Israël, de saisir ses besoins et ses difficultés et ainsi de le guider et de le conseiller pour l’aider à s’élever. Mais en fait, ce n’est pas un tel homme que tu dois rechercher, c’est Yéhochoua, l’homme qui est animé de (l’) Esprit (acher Roua’h bo), c’est-à-dire, non pas celui qui sait s’en servir pour deviner les autres, mais celui qui en dispose, en son sein, pour la maitrise de sa propre personne. Car celui qui contrôle sa nature et préserve ses vertus, contre vents et marées, celui là, est celui qui est apte à diriger le peuple.
Yéhochoua, disent nos Sages, était celui qui s’occupait de la maison d’étude, qui rangeait les bancs, pour les maitres, et préparait les paillasses, pour accueillir les étudiants. Renonçant à l’honneur qui lui était dû, Il était prêt à tout, pour favoriser l’étude de la Torah. Il avait « en lui, (l’)Esprit », cette disposition qui lui permettra d’être le dirigeant du peuple d’Israël.
Nous apprenons des Psaumes : « Car voici, les rois s’étaient ligués » (Téhilim XLVIII, 5), il s’agit de Yéhouda et de Yossef, « là un frisson s’empara d’eux » (id., 7), ce sont les tribus, qui les virent s’affronter (Midrach Rabba Vayigach). Yossef et Yéhouda ont tous les deux hérité de la royauté par leur comportement, parce qu’ils étaient tout d’abord « roi d’eux-mêmes », avant d’être roi des autres. Rabbi Chimon Ben Gamliel dit que Yossef, qui ne se laissa pas séduire par la femme de Potifar, mérita, de ce fait, d’être le chef de l’Egypte. Yéhouda, pour avoir sauvé Yossef des mains de ses frères (à l’encontre du comportement subjectif majoritaire), et pour avoir reconnu l’innocence de Tamar, sa bru, devint le roi d’Israël (Rachi, Berechit XLIX, 9). Le roi est celui dont les sujets ont besoin pour être gouvernés et conduits. Le roi ne doit pas être celui qui a besoin de sujets et d’une armée pour s’affirmer et exister.
C’est pourquoi, seul Yéhochoua, disposant de la maitrise de soi-même sera le successeur désigné de Moché, qui « imposa ses mains sur lui et lui donna ses instructions » (verset 23), le remplissant généreusement de sa sagesse, comme on remplit un récipient à ras bord (Rachi, du Sifri).
Le Gaon de Vilna explique que l’homme qui veut influencer son entourage de sa sagesse et de sa crainte du ciel est comparé à un grand verre couronné de petits verres. Au remplissage du grand verre à ras bord, il débordera de toute part autour de lui remplissant les petits verres de sa couronne.