« Tu feras confectionner pour Aharon ton frère des vêtements sacrés, insignes d’honneur et de majesté ». L’Eternel ordonne de consacrer les cohanim en les habillant d’habits particuliers pour lesquels : « Ils emploieront l’or, l’azur, la pourpre, l’écarlate et le fin lin. » (Chémot XXVIII, 2- 5)
Chaque fil était torsadé de ces cinq éléments. L’azur, la pourpre et l’écarlate étaient des fils de laine mélangés avec du lin, (Rachi). Bien que la Torah nous ait formellement interdit le mélange laine et lin (chaatnez), l’habit du Cohen Gadol fait exception.
Le rav Yossef Bekhor-Chor, élève de Rabbénou Tam, explique comment comprendre cette dérogation. La Torah interdit de fabriquer de l’huile d’onction ou de l’encens semblable à l’encens utilisé au Temple, car « ce sera pour toi une chose sacrée pour l’Eternel » (Id. XXX, 37). De même nous ne pouvons pas faire de candélabre à sept branches comme la Ménorah, ni une table aux dimensions de la table des pains de propositions. Le lin et la laine mélangés sont interdits pour nous, et réservés au Cohen-Gadol, désigné aux choses sacrées.
Le Zohar (tome 3, 86, 2) dit que la laine représente la bonté (et la miséricorde), le lin la rigueur (et la justice). Hevel apporta en sacrifice un mouton, avec sa laine, qui fut agréé alors que Caïn apporta du lin, qui lui fut refusé.
Le rav Desler zatsal (Mikhtav mé-Eliyahou T.4, p.175) écrit que l’homme a en lui, de la laine et du lin, et doit bien faire la part des choses, ce qui n’est pas à la portée de tout un chacun. La bonté et la miséricorde sont de belles qualités, mais peuvent présenter un danger : l’excès de bonté envers le mauvais penchant mènerait à rechercher les seuls plaisirs des sens. Il convient donc de lui associer une certaine dose de rigueur et de justice. Inversement la rigueur, tournée vers les autres, qui rend cruel et insensible, est à tempérer par de la générosité. Le bon équilibre se trouve chez l’homme « parfait », représenté par le Cohen Gadol. C’est pourquoi la Torah lui permet ce Chaatnez, alors que pour tout autre, ce mélange, mal équilibré, pourrait être néfaste.
Le Gaon de Vilna (Michlé XXX, 17) écrit qu’Abraham était le symbole même de la bonté, comme il est dit : « à Abraham le ‘hessed (la bienveillance) », (Mikha VII, 20). Mais il a su, le moment voulu, aller dans la rigueur, à l’encontre de sa nature pour sacrifier son fils. Il sera félicité par l’Eternel qui lui dira : « désormais, J’ai constaté que tu honores D…, toi qui ne m’as pas refusé ton fils » (Beréchit XXII, 12).
Rabbi Yohanan et Ilfa étudiaient la Torah, ensemble, dans une grande pauvreté,(Taanit 21a). Ils décidèrent d’aller travailler, comme il est dit : « A la vérité, il ne doit pas y avoir d’indigent chez toi » (Dévarim XV, 4), c’est à dire « fais en sorte de ne pas être dans le dénuement ». Au moment du déjeuner, assis contre un mur branlant, Rabbi Yohanan entendit un ange dire à un autre : « Faisons tomber ce mur sur eux, car ils ont délaissé la vie éternelle pour la vie de ce monde éphémère ». L’autre ange lui répondit : « laisse-les, car l’un des deux aura son moment de gloire ». Ilfa n’ayant rien entendu, Rabbi Yohanan se dit « c’est donc de moi qu’il s’agit ». Il décida alors de retourner à l’Etude, vu « qu’il y aura toujours des nécessiteux dans le pays » (Id. XV, 11). Il fut, rapidement après, nommé Roch Yéchiva ! Et le rav Galinski, zatsal, de conclure que l’homme doit savoir adapter son comportement en fonction du moment et de la situation qui se présentent à lui. Tout est question de dosage.
« Le Tout- Puissant fait sentir sa colère tous les jours » (Téhilim VII, 12), mais il est aussi écrit : « La bonté de D… ne se dément jamais » (Téhilim LII, 3). Comme l’homme doit se conduire à l’image de son Créateur, il importe de garder le « bon équilibre ».
Chabbat Chalom Oumévorakh