« Essav revint des champs fatigué. (Il) dit à Yaacov : laisse-moi avaler, je te prie de … ce mets rouge. (…) Yaacov lui dit : vends-moi d’abord ton droit d’aînesse. Essav lui répond : certes ! Je marche à la mort ; à quoi me sert donc le droit d’aînesse ? (…) et il vendit son droit d’aînesse à Yaacov » (Bérechit XXV, de 29 à 33).
Rachi nous dit que ce droit d’aînesse variera, par la suite le culte ne restera pas toujours l’apanage des aînés. Essav a demandé : « quelle est la nature de ce culte ? » Et Yaakov lui a répondu : « il y a tant de précautions à prendre, il comporte tant de sanctions, qui peuvent aller jusqu’à la mort ». Essav dit alors : « jusqu’à la mort ? S’il en est ainsi qu’en ai-je besoin ? ». Et « Yaacov servit à Essav du pain et un plat de lentilles ; il mangea et but, se leva et ressortit. C’est ainsi que Essav dédaigna le droit d’aînesse » (Id. XXV, 34).
Etonnant que le droit d’aînesse puisse être vendu ! La guémara (Zévahim 112b) nous enseigne que jusqu’à l’inauguration du Tabernacle, le service divin était le fait des premiers-nés. Par la suite le droit d’offrir des sacrifices fut réservé aux Cohanim. Or un Cohen, nous le savons bien, ne peut en aucun cas « vendre » son statut de Cohen, ni le perdre. Comment donc Essav a-t-il pu vendre le sien, et Yaacov l’acquérir ?
A la question : « d’où sait-on que le service au Temple était d’abord réservé aux premiers nés ? » Le Talmud Yérouchalmi (Méguila ch.1, 11) répond : du verset « car tout premier né m’appartient chez les enfants d’Israël … le jour où je frappai tous les premiers nés dans le pays de l’Egypte, je me les consacrai » (Bamidbar VIII, 17). Autrement dit le statut immuable des premiers nés ne commence qu’après la dernière plaie de la sortie d’Egypte. Antérieurement, tout un chacun pouvait offrir des sacrifices, mais les premiers nés, eux, avaient la priorité, et en quelque sorte le rôle de chef de famille. Yaakov en achetant le droit d’aînesse a acheté le privilège qui lui est associé, un droit de priorité, et non pas la sainteté du premier né, qui elle, lui sera spécifique à partir de la sortie d’Egypte.
Autre question posée. Lorsque Rivka demanda à Yaakov d’aller recevoir, de son père Yts‘hak, la bénédiction (destinée initialement à Essav), il est dit : « Rivka prit les plus beaux vêtements d’Essav, son fils aîné, lesquels étaient sous sa main dans la maison et en revêtit Yaakov son plus jeune fils » (Béréchit XXVII 15). Mais que faisaient les vêtements d’Essav chez sa mère ? N’avait-il pas plusieurs femmes ? Il n’avait donc pas confiance en elles ? Rachi rapporte le Midrach Rabba (65,16) : « parce qu’il connaissait leur mauvaise conduite et se méfiait d’elles, craignant qu’elles ne les volent ». Mais alors, Rivka, comment a-t-elle pu, tout d’un coup, briser la confiance qu’Essav avait en elle ?
Ces « plus beaux vêtements d’Essav, son fils aîné », ce sont les habits que D… avait donnés à Adam Harichon au Gan Eden, et revêtu desquels, tel le Cohen Gadol dans ses habits, il convenait d’offrir ses sacrifices. Yaacov ayant acquis les droits du service divin, c’était à lui de porter ces habits ! Rivka ne trompait donc pas Essav en les remettant à Yaakov, ces habits lui revenaient de droit.
Le port des habits spécifiques, comme ceux du Cohen Gadol, est ainsi lié au privilège d’offrir les sacrifices, et donc au statut du premier né. Yaacov dira plus tard à Yossef, son premier-né de Ra’hel : « je te promets une portion supérieure à celle de tes frères, portion conquise sur l’Armorréen, à l’aide de mon épée et de mon arc » (Id. XLVIII, 22). Et le Midrach Rabba (97,1) nous dit que cette portion, c’est le droit d’aînesse et les habits d’Adam Harichon, que Yaacov a reçu des mains de Essav, parce qu’en achetant la Békhora, il reçut automatiquement les habits de son frère pour servir et sacrifier les Korbanot.
Chabbat Chalom Oumévorakh