L’esclavage en Egypte a été décrété au moment du « Brith Ben Habétarim » (l’alliance entre les morceaux). Ce jour-là Abraham reçut la promesse de D…, qu’il recevrait la terre d’Israël. Mais Abraham demanda alors à l’Eternel : « Comment saurai-je que j’en suis possesseur ? » L’Eternel lui répondit : « Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère, où elle sera asservie et opprimée durant quatre cents ans », (Beréchit XV, 8 et 13). L’esclavage est donc une punition pour le « manque de confiance », exprimé par Abraham, en la promesse de D…!
Pourtant la tribu de Lévi, elle aussi descendante d’Abraham, fut épargnée de l’esclavage comme le font remarquer nos Sages, à propos du verset : « Pourquoi Moché et Aharon (qui étaient Lévyim) débauchez vous le peuple de ses travaux ? Allez à vos affaires ! » (Chémot V, 4). Pourquoi donc les Lévyim furent-ils exclus du décret ?
Le Michna Lamélékh, dans son explication sur la Haggada, répond tout simplement que cette peine était liée à l’héritage de la terre, Abraham ayant émit des doutes quant à cet héritage. Or les Lévyim ne reçurent pas de part sur la terre d’Israël, ils furent donc exemptés de l’esclavage en Egypte.
La question demeure pour le Pharaon, qui ignorait le décret divin, pourquoi a-t-il renoncé à faire asservir les Lévyim ? Le rav Réouven Karlenchtein, zatsal, répond que l’esclavage était certes « Béfarekh » (par un dur labeur) (Idem I, 13), mais qu’il commença « Béfé Rakh », avec une bouche douce (autre lecture du mot béfarekh). Au départ, le Pharaon proposa aux juifs de travailler pour gagner de l’argent et améliorer leur situation financière. Une fois que les enfants d’Israël commencèrent à travailler avec zèle, pour montrer leur fidélité à Pharaon, alors il décréta qu’ils travailleraient ainsi, mais en tant qu’esclave. Les Lévyim, eux, n’avaient pas suivi le peuple et n’avaient pas adhéré aux idées de Pharaon de « participation citoyenne » aux travaux de construction. Ils restèrent donc à l’écart et furent épargnés de tout travail.
Le Gaon de Vilna explique que Moché et Aharon n’ont pas dévoilé, tout de suite, au Pharaon que le peuple quitterait définitivement l’Egypte, mais ils lui dirent : « Nous voudrions donc aller à trois journées de chemin dans le désert et sacrifier à l’Eternel, notre D… » (Id. V, 3). Ils agirent ainsi « Béfé Rakh », « mesure pour mesure », sans annoncer leur véritable intention.
Enfin, une dernière question. Pour le Pharaon le peuple d’Israël était une entité, a priori indivisible, pourquoi aurait-il renoncé à asservir les Lévyim. Bien des juifs n’ayant pas vraiment participé aux premiers travaux, furent asservis par la suite. Pourquoi donc avoir laissé à part les Lévyim ?
Les Tossafot nous donnent une très belle explication. Lorsque Yaakov décéda et qu’il fut enterré en terre d’Israël, tous les rois, et Pharaon lui-même, vinrent participer à ses funérailles. Yaakov avait insisté, avant sa mort, pour que seuls ses enfants portent son cercueil. L’ordre de marche, était le même que celui des Bné Israël pendant leur voyage dans le désert. Pharaon remarqua alors que sur les milliers de personnes qui étaient présentes, seuls ses propres enfants pouvaient s’approcher du corps de Yaakov. Yossef ne porta pas le cercueil, étant roi, et fut remplacé par Ménaché et Ephraïm. Mais Lévi, non plus, ne porta pas le cercueil de son père. Pourquoi ? Pharaon reçu la réponse suivante : Lévi est destiné à porter le Michkan, et le Aron Hakodech où résidait la présence divine, la Chékhina.
Sur le cercueil de Yaakov résidait aussi la Chékhina, qui était descendue en Egypte avec lui comme il est dit : « Moi-même, Je descendrai avec toi en Egypte, Moi-même Je t’en ferai remonter » (Beréchit XLVI, 4). Pharaon, lui, ne comprenait certainement pas l’importance des Lévyim et ce que représentait le Aron du Michkan, mais il vénérait Yaakov comme tous les égyptiens, dont certains voulaient en faire un dieu. Si Yaakov ne voulait pas utiliser Lévi, c’était une raison suffisante pour Pharaon, pour ne pas asservir les Lévyim. Et comme ces derniers ne s’étaient même pas présentés aux « travaux » du Pharaon, ils furent complètement épargnés de l’esclavage.
Chabbat Chalom Oumévorakh