Avant de mourir, Yaakov dit à son fils Yossef : « Or je te promets une portion (chekhem) supérieure à celle de tes frères, portion conquise sur l’Amoréen, à l’aide de mon épée et de mon arc » (Béréchit XLVIII, 22). Rachi explique : cette chekhem (cette portion), c’est la ville-même de Chekhem, qui lui sera donnée, en héritage, en retour, pour s’être occupé de la sépulture de son père. Et c’est là que Yossef sera inhumé.
La Guémara (Baba Batra 123a) s’étonne : « à l’aide de (son) épée et de (son) arc ». N’est-il pas écrit : « car je ne mets pas ma confiance en mon arc, ce n’est pas mon épée qui m’assure la victoire » (Téhilim XLIV, 7) ? Réponse : « mon épée » c’est ma prière, et « mon arc » (békachti) c’est ma supplique (bakachati). C’est aussi la traduction d’Onekélos : « bitsloti, oubébaouti », avec ma prière et avec ma requête.
Le Rav Yts’hak Zéév Solovétchik zatsal, de Brisk, explique que les prières désignent les mots « choisis », par les Sages de la Grande Assemblée, et fixés dans le sidour. La bakacha, la baouti, désigne, elle, les demandes particulières que nous pouvons rajouter avec nos propres mots, dans notre langue. Il existe une grande différence entre les prières préparées et instaurées par nos Maitres, qui sont à disposition, pour tout un chacun, et la bakacha, demande personnelle, qui doit être formulée avec ferveur et dévotion, pour se voir acceptée.
La Guémara (Id. 116a) conseille, à celui qui a un malade chez lui, de se rendre chez un Sage pour qu’il intercède, par ses prières, en sa faveur. Le Sage par son mérite et par sa piété verra sa requête exaucée. Parce que cette demande particulière, cette bakacha pour le malade, est agréée selon la dévotion et la qualité de celui qui la formule. A la femme de Rabbi Yohanan ben Zakaï, qui s’étonnait que la prière de Rabbi ‘Hanina Ben Dossa, pour la guérison de leur fils, ait plus de pouvoir que celle de son mari, celui-ci répondit : « je suis comme un Prince devant mon Créateur, alors que Rabbi ‘Hanina est comme le serviteur. Comme il fait partie de la maison, il rentre et sort sans permission ».
Le Rav précise aussi la particularité de l’épée, et celle de la flèche. L’épée est tranchante par elle-même et blesse tout celui qu’elle frappe, alors que l’action de la flèche dépend de l’adresse du tireur, de la direction et de la force dans lesquelles elle est lancée. La requête personnelle, comparable à la flèche, devra être accompagnée d’une ardeur et d’une concentration particulières. Elle dépendra, aussi, de celui qui la prononcera. La Téfila, quant à elle, est comparable à l’épée, car les mots placés par nos Sages, ont par eux-mêmes, une mission, un impact « compensatoire », indépendamment de la ferveur, et de la grandeur de celui qui prie.
Yaakov a utilisé ces deux moyens : « l’aide de mon épée et de mon arc » ; le Maharcha explique qu’en fait, la prière, comparée à l’épée, servira dans les luttes aux attaques de Essav, car il est dit dans sa bénédiction par Yts’hak : « tu vivras à la pointe de ton épée » (Béréchit XXVII, 40). La supplique, comparée à la flèche, sera, elle, notre arme contre Yichmaël, à propos duquel il est dit : « il devint tireur à l’arc » (Id. XXI, 20).
On comprend mieux maintenant ce que dit le Gaon de Vilna (dans Even chéléma 11,10) à savoir que les deux Messies, « Machiah ben David », et « Machiah ben Yossef » sont en fait l’un contre Yichmaël, et l’autre contre Essav.
De Yéhochoua, descendant de Yossef, il est dit qu’il « triompha d’Amalek et de son peuple à la pointe de l’épée » (Chémot XVII, 13). Quant à Yéhouda, il est prévu « qu’on enseignera aux fils de Yéhouda, l’usage de l’arc » (Chmouel II, I, 18). Yaacov a d’ailleurs béni Yéhouda par ces mots : « Yéhouda… ta main sera à la nuque de tes ennemis » (Béréchit XLIX, 8), et nos Sages de faire remarquer, quelle est l’arme où la main doit se tenir à la nuque ? C’est assurément l’arc ! (Avoda zara 25a).