Avimélékh renvoie Sarah à son mari Abraham avec les paroles suivantes : « voici j’ai donné mille pièces d’argent à ton frère! Voici cela te sera un voile sur les yeux pour tous ceux qui sont avec toi et auprès de tous tu seras justifiée » (Beréchit XX, 16).
La Guémara (dans Baba Kama 93a) rapporte l’enseignement de Rabbi Yitshak, à savoir ne jamais prendre à la légère la malédiction d’un « homme du commun » car Avimélékh avec ce « voile sur les yeux » a, en fait, maudit Sarah, « puisque tu m’as dissimulé qu’il est ton mari et que tu m’as été cause de souffrances, que Sa volonté soit que tu ais des enfants dont les yeux soient voilés (aveugles) ». Et cette malédiction s’est réalisée sur Yitshak son fils, comme il est dit : « Yitshak vieillit et sa vue s’obscurcit » (supra XXVII, 1).
Mais comment peut-on reprocher à Sarah d’avoir voulu sauver la vie de son mari Abraham en disant qu’il était son frère? Par ailleurs Avimélékh étant responsable de ses actes, se devait d’en assumer les conséquences ! Il aurait aussi pu tirer leçon du Pharaon qui, dans une situation analogue, a été frappé de lèpre (supra XII, 17). Comment donc la malédiction d’Avimélékh a-t-elle pu se réaliser?
Lavan a parcouru en un jour, une route de sept jours, pour atteindre Yaakov qui s’était sauvé. Lavan se sentait offensé par la fuite de son gendre. Il était aussi contrarié de la disparition de ses idoles (que sa fille Rahel avait dérobées pour lui éviter de fauter). D’après le Zohar (Vayétsé) c’est pour cela qu’elle n’eût pas le mérite d’élever son fils Binyamin et qu’elle mourut au moment de l’accouchement. Il lui est reproché d’avoir fait souffrir son père, idolâtre, bien que son intention fût louable: l’empêcher de fauter.
Le Rav Haïm Zaytchik zatsal, dans son livre Or Hanéféch, nous explique que chacune des actions humaines est examinée au Ciel sous toutes ses facettes. Sarah pour avoir sauvé son mari en disant qu’il était son frère et Rahel pour avoir soustrait les idoles de son père seront bien sûr récompensées. Mais Sarah pour avoir fait souffrir Avimélékh, et Rahel, Lavan, seront néanmoins punies.
De même Yaakov qui, obéissant à sa mère, s’empare des bénédictions que son père voulait adresser à son frère Essav, est quand même tenu pour responsable des cris que celui-ci va pousser en apprenant qu’il a été supplanté « ויצעק צעקה גדולה » (il poussa des cris bruyants et douloureux) ( Supra XXVII, 34). A son tour le descendant de Yaakov, Mordekhaï, à l’annonce du décret de Haman, « il parcourut la ville en poussant des cris véhéments et amers » (Esther 4,1).
On retrouve la même idée dans le Midrach qui nous enseigne que juste avant sa mort, Moché Rabbenou s’adresse aux enfants d’Israël et leur demande pardon « car je vous ai fait souffrir dans mon enseignement de la Torah et des Mitsvot ». Ils répondirent : « Moché notre maître nous te pardonnons! » Moché avait pourtant été désigné par Hachem Soi-même pour être celui qui enseignerait la Torah, et malgré tout il dût s’excuser pour les avoir fait souffrir par son enseignement.