Les enfants d’Israël avaient décrété le 13 Adar, jour de jeûne, avant de sortir en guerre contre leurs ennemis. Ils avaient été autorisés à exterminer tous ceux qui les menaçaient, par ordre du Roi A’hachvéroch, dans toutes les villes et dans tous les villages de son royaume. Et c’est en souvenir de ce jour-là, que chaque année, nous jeûnons la veille de Pourim, ce jeûne, appelé Taanit-Esther.
Les autres jeûnes de l’année sont tous en souvenir d’évènements passés, qui ont frappé douloureusement le peuple juif, mais surtout, dont nous subissons les conséquences encore aujourd’hui, à savoir la destruction du Beth Hamidrach et l’Exil. Mais pourquoi perpétuer le 13 Adar, le décret de Haman ayant été annulé, et resté sans lendemain ? Il ne devrait pas y avoir lieu de jeûner ! Le Midrach Rabba (Esther 7, 14) nous révèle le détail des évènements (au Ciel) qui atteste qu’il n’était pas du tout évident d’espérer voir annuler le mauvais sort réservé aux enfants d’Israël.
Le Midrach rapporte, au nom de Rabbi Yichmaël, que près de dix huit mille cinq cents bné israël ont participé au festin d’A’hachvéroch. Le Satan se présenta alors devant l’Eternel pour les accuser : « jusqu’à quand garderas-Tu ce peuple qui se détache de Toi ? Fais périr ce peuple qui ne s’est pas repenti! » A ce moment D… accéda à la demande du Satan et se fit amener un parchemin pour inscrire le décret.
C’est alors que Eliyahou Hanavi courut vers les patriarches pour les avertir et leur demander de prier en faveur de leurs enfants. Mais ils lui répondirent que s’ils ont transgressé, et que l’arrêt est déjà scellé, on ne peut plus rien faire. Eliyahou se dirigea alors vers Moché Rabbénou, qui l’interrogea sur la présence éventuelle d’un Tsadik au sein de cette génération. Il y en avait un, en effet, qui s’appelait Mordékhaï, et qui n’avait pas participé au festin du roi. Moché proposa alors de l’avertir, et de lui demander de prier d’en bas, tandis que lui Moché va prier en haut, afin qu’à eux deux ils puissent faire abolir le décret.
Eliyahou fit savoir à Moché que la sentence était déjà scellée, hélas ! Moché lui demanda : « avec quel sceau ? Un « sceau de boue » laisserait l’espoir de modifier la guézéra, par contre un « sceau de sang » anéantirait tout espoir ». Eliyahou lui répondit que c’était « de boue », et courut prévenir Mordékhaï lequel rassembla de jeunes enfants pour étudier et prier avec eux. L’Eternel accepta leur prière et abolit le décret. Il fit tomber sur A’hacheveroch une peur, la nuit, qui l’empêcha de dormir, et qui sera le départ du retournement de situation …
Le Maharal explique que « la boue » est du ‘homer, (de la matière) qui fait allusion à l’attachement aux choses matérielles, aux plaisirs de ce monde-ci. Scellé de boue, le décret indiquerait que les enfants d’Israël aient fauté par envie et par passion. Par contre « le sang », comme dit le verset : « dam hou hanéfech », le sang est le siège de l’âme, et donc la faute serait d’ordre spirituel, beaucoup plus grave ! C’est comme s’il leur était reproché de vouloir s’affranchir du joug de la Royauté divine, et dans ce cas, on ne pouvait plus rien espérer faire.
L’institution de la fête de Pourim avec l’obligation de lire la Méguila vient nous rappeler les conséquences de notre conduite et les circonstances de notre délivrance. En mentionnant dans la méguila « divré hatsomot vétsakatam, les jeûnes et les supplications y afférentes » (Esther 9, 31), Mordékhaï et Esther viennent nous enseigner que même un mauvais décret peut être contrecarré à force de prières et de repentances accompagnant le jeûne, ce qui justifie aujourd’hui encore de le garder en mémoire et en action.
Chabbat Chalom Oumévorakh