Parachat MATOT
Notre Paracha se termine sur la demande des enfants de Gad et de Réouven qui souhaitent s’établir sur les territoires, riches en pâturages, de la rive Est du Jourdain, plutôt qu’en terre d’Israël. « Or, les enfants de Réouven et ceux de Gad possédaient de nombreux troupeaux, très considérables… ils trouvèrent cette contrée avantageuse pour le bétail » (Bamidbar XXXII, 1).
Moché Rabbénou accède à leur demande, à condition toutefois, qu’ils sortent, à la tête des enfants d’Israël, combattre les habitants du pays de Canaan, laissant leurs familles et leurs troupeaux de l’autre côté du Jourdain. Et c’est seulement une fois la conquête achevée qu’ils pourraient se retirer et rejoindre leurs familles. « Alors Moché octroya aux enfants de Gad et à ceux de Réouven, ainsi qu’à la moitié de la tribu de Ménaché, fils de Yossef le domaine de Sihôn… et le domaine de Og…» (Idem, 33).
On peut s’étonner que la moitié de la tribu de Ménaché, qui elle n’a rien demandé, soit aussi installée de l’autre côté du Jourdain. Le Natsiv de Vologine zatsal explique que la tribu de Ménaché comptait de très nombreux érudits et Moché Rabbénou, de sa propre initiative, lui demanda de s’installer aux côtés de Gad et de Réouven pour les guider dans le chemin de la Torah. Cependant bien que de Ménaché, (son petit-fils) « Makhir a produit des législateurs… » (Choftim V, 14), la tribu de Yissakhar aussi comptait nombre de Sages (Divré hayamim 1, XII, 33) de même que celle de Yéhouda (Téhilim 60,9). Pourquoi donc seule la tribu de Ménaché a-t-elle été choisie ?
Les Tossafot (Daat Zékenim Béréchit XLIV, 13) expliquent que lorsque les serviteurs de Yossef trouvèrent la coupe « divinatoire » dans le sac de Binyamin, ses frères déchirèrent leurs vêtements (Beréchit XLIV, 13). C’est parce que Yaacov déchira les siens lorsque les frères de Yossef lui montrèrent la tunique de Yossef déchirée et ensanglantée (Midrach Rabba 92, 8). Mesure pour mesure !
De même, Ménaché qui avait poursuivi ses oncles à la recherche de la coupe de Yossef, était d’une certaine façon responsable de ce qu’ils aient déchiré leurs habits. Deux cent cinquante ans plus tard, c’est la tribu de Ménaché qui se trouve déchirée, son territoire séparé en deux. Mesure pour mesure.
« Un héritage acquis avec précipitation ne saurait être béni dans la suite » (Michlé XX, 21). Rachi explique, au nom du Midrach Tanehouma, que les enfants de Gad et de Réouven se sont précipités pour recevoir leur héritage de l’autre côté du Jourdain. Ils ont dû, par la suite, travailler dur un sol qui n’était pas béni comme celui de la terre d’Israël.
Ils ont également montré plus d’égards pour leur argent que pour leur famille en disant « nous construirons des enclos pour notre bétail et des villes pour nos jeunes enfants » (Bamidbar XXXII, 16), et c’est pourquoi Moché leur répond : « faites de l’essentiel ce qui est essentiel et de l’accessoire ce qui est accessoire! Commencez par vous construire des villes pour vos enfants, et ensuite des parcs pour vos brebis! » (Verset 24).
Restées hors d’Erets Israël, séparées de leurs frères, les tribus de Gad et de Réouven seront les premières à être exilées : « Alors le D… d’Israël excita l’esprit de Poul … et de Tigat-Pilnésser, roi d’Assyrie, qui déporta Ruben, Gad, et la moitié de la tribu de Ménaché » ( Divré Hayamim 1, V, 26). Mesure pour mesure, toutes ces précipitations furent la cause de leur exil anticipé. Et ce n’est que onze ans plus tard que les autres tribus seront exilées à leur tour. (Rachi Mélakhim 2, XVII, 11).
Parachat MASS’E
« Voici l’itinéraire des enfants d’Israël, depuis qu’ils furent sortis du pays d’Egypte, selon leurs légions, sous la conduite de Moché et de Aaron » (Bamidbar XXXIII, 1). La Torah énumère ensuite ces différents lieux de passage.
Pourquoi avoir mentionné chacune de ces étapes, nous dit Rachi (au nom de Rabbi Moché Hadarchan) : « pour t’enseigner la bonté de l’Eternel. Bien qu’Il les ait condamnés à errer dans le désert, ne crois pas qu’ils étaient ballotés, toutes ces quarante années, d’une destination à l’autre, sans repos, car voilà il n’y a eu que quarante-deux stations. Et si l’on soustrait les quatorze haltes de la première année (…) et les huit de la dernière (…) restent vingt étapes en trente huit ans ».
Le Rambam rajoute qu’il importait de mentionner ces destinations. Qui assiste à un miracle de visu en est convaincu, mais les générations futures auront du mal à croire qu’un peuple aussi nombreux ait pu survivre quarante ans dans le désert, nourri quotidiennement de la seule manne, traversant une région inapte aux semences, où il n’y a ni figuier ni vigne ni grenade, où « vous n’avez pas mangé de pain, ni bu de vin ni d’alcool » (Dévarim XXIX, 5). Ils diraient que les endroits traversés étaient des régions habitables avec des sources d’eau et des plantations et que les enfants d’Israël avaient vécu comme toute tribu nomade de nos jours. C’est pourquoi Moché donne ces précisions, et cite les étapes, les unes après les autres, des zones réputées inhabitables.
Ces paroles du Rambam sont surprenantes. La Torah rapporte à plusieurs reprises des réclamations, formulées dans le désert pendant ces quarante ans, après lesquelles D… a envoyé : la manne, les cailles, l’eau du rocher, le puits de Miryam… Est-il encore possible de douter et de prétendre que les lieux du désert traversés étaient en fait des endroits habités? La Torah se devait-elle de mentionner en détail les noms des différentes stations pour démontrer qu’ils étaient loin de toute civilisation?
Le Rav Yehezkel Levinstein zatsal répond que la Torah veut nous élever à un degré supérieur de Emouna. Notre croyance en tel évènement rapporté par la Torah, notre adhésion à telle idée peut n’être que superficielle. Ressentir et vivre en empathie la situation relève d’une autre perception. Lorsque D… demande à Moché d’aller en Egypte libérer les enfants d’Israël. Moché Lui répond : « mais ils ne me croiront pas. Et D… lui dit : c’est de la médisance, ils sont croyants fils de croyants ! » Pourtant ce n’est qu’après la traversée de la mer rouge qu’il est écrit : « et ils eurent foi en l’Eternel et en Moché son serviteur » (Chemot XIV, 31). Est-ce à dire que jusque-là ils ne l’avaient pas? C’est qu’au départ leur Emouna (en Moché) était limitée à cette promesse, transmise, qu’un jour viendrait le libérateur, avec le mot de passe : « פקדתי פקוד Pakod pakadti » (Chemot III, 16). Après les dix plaies, après la sortie d’Egypte, ce n’est qu’à la traversée de la mer rouge que cette Emouna se concrétise, qu’elle est vécue, ressentie. (אמונה של ידיעה ואמונה חושית)
Ici, dans notre Paracha, conclut le Rav, la Torah mentionne le nom de chacune des stations, car ces endroits traversés étaient des lieux connus de tous comme étant désertiques, et loin de toute habitation. Il nous est demandé d’intérioriser la situation à chacune des étapes, et de la vivre dans une Emouna élevée au niveau de la אמונה חושית , une foi profonde imprégnée de tous ces miracles que D… accorda aux enfants d’Israël dans le désert.
SHABBAT SHALOM OUMEVORAKH