PESSA’H
A la sortie d’Egypte (parachat Béchala’h), l’Eternel« dévia (vayissev) le peuple du coté du désert, vers la Mer des joncs, et les enfants d’Israël partirent en bon ordre du pays d’Egypte » (Chémot XIII, 18). Le Midrach Rabba (Chémot 20, 18) nous enseigne que du fait que l’Eternel leur fit faire un détour (vayissév), nos Sages déduisent que même le plus pauvre, d’entre nous, se doit de manger accoudé (ad chéyéssév), le soir du seder de Pessah. Quel est le lien entre ce crochet que fit faire l’Eternel aux enfants d’Israël et la mitsva de manger accoudé ? Est-ce la proximité des motsvayissév et chéyéssév?
Le Baal Hatourim traduit (dans ce verset) « fit faire un détour », d’une autre manière, assez proche de l’explication du Midrach, à savoir que l’Eternel dressa, dans le désert, une table aux enfants d’Israël, (vayissév)signifiant qu’Il les accouda devant la table, en hommes libres.
Le Béér Yossef rapporte le Hatam Sofer, lequel s’interroge sur le sens profond de cette phrase, que nous disons dans la prière du soir : « Il fit sortir son peuple Israël, de parmi l’Egypte, vers une liberté éternelle ». Comment parler de liberté éternelle alors que Ses enfants ont connu, par la suite, d’autres exils et d’autres soumissions ? Le Hatam Sofer répond qu’il ne faut pas comprendre littéralement « une liberté éternelle Hérout Olam », mais Hérout Mé-haOlam, la liberté de ce monde-ci, c’est-à-dire sortie des entraves de ce monde. Car n’est libre (Pirké Avot 6,2) que celui qui s’investit dans la Torah : libre de ses tendances et de ses pulsions, de toutes les contingences liées à sa matérialité. En Egypte les enfants d’Israël étaient prisonniers de leurs désirs et de leurs penchants ; sortis d’Egypte ils en étaient libérés.
Le Midrach nous dit que si l’Eternel avait fait entrer le peuple directement en terre d’Israël, il aurait été, de suite, occupé par le travail de la terre et n’aurait pas pu se consacrer à l’étude de la Torah. Il le fit traverser le désert, et pendant ces quarante ans, nourris par la Manne, ne manquant de rien, les enfants d’Israël purent s’adonner pleinement à l’étude de la Torah.
Le Rambam, dans la lettre de moussar adressée à son fils, lui écrit que Pharaon est le mauvais penchant, lui-même : le Yétser harah. L’Egypte, elle, est comparable au corps, le peuple d’Israël au cerveau, à l’esprit qui dirige le corps. Et Moché représente, lui, le yétser hatov, le bon penchant, le penchant au bien.
Pharaon proposa à Moché et à Aaron : « Allez, faites des sacrifices à votre D… dans le pays (baarétz) » (Chémot VIII, 21). C’est-à-dire que le yétser harah propose à l’Esprit de servir l’Eternel, mais baaretz, dans la terre d’Egypte, dans le corps, en direction de ses désirs et de ses passions. Pharaon, le Yétser harah, ne veut pas voir le peuple complètement libéré, il le souhaite, sans véritable libre arbitre, toujours enfermé dans son enveloppe matérielle et soumis à ses pulsions. En les sortants d’Egypte, l’Eternel leur offre « Hérout Olam », une liberté éternelle, la véritable liberté, dégagée de toute emprise extérieure, détachée de ce monde. Il leur fit faire un détour afin qu’ils n’entrent pas, tout de suite, en terre d’Israël, et qu’ils puissent s’attacher à la Torah qui leur donnera la véritable maitrise de soi.
Et donc même le plus pauvre en Israël s’accoudera le soir du seder de Pessah, pour manger comme tout homme libre. S’il venait à s’étonner : comment pourrait-il, lui, être assis accoudé, alors qu’il est démuni et se vit tributaire de tout ? On lui dira que, justement lui, qui ce soir, célèbre la sortie d’Egypte, n’est pas prisonnier de la matérialité, et aura plus de facilité à se sentir libre, libre de toute entrave et détaché de ce monde.
Péssa’h Cacher Véssaméa’h