Roch Hachana est le début de l’année parce que c’est le jour de la création du premier homme, le véritable « commencement » du monde. C’est pourquoi, chaque année, est un nouveau départ pour lequel il nous faut repenser notre compréhension de la Volonté divine, et réaffirmer notre acceptation du Joug de la Royauté céleste, car c’est tout le but de la Création.
« Dites devant moi les versets de Malkhouyot afin que vous preniez sur vous le joug de Ma Royauté » rapporte le Talmud (Roch Hachana 16a). Ce n’est donc pas seulement dans la prière de Moussaf qu’apparait la Malkhout, et si l’on examine attentivement les prières de Roch Hachana, que nos Sages ont instaurées, elles sont toutes clairement tournées vers la Malkhout, vers la Royauté divine.
Mais comment, en pratique, pouvons-nous « prendre sur nous», comment ressentir et pouvoir exprimer cette soumission à la Malkhout ? La réponse est à la fois très simple et très complexe. Il nous faut apprendre à percevoir la Présence divine dans notre vie de tous les jours. Comme le dit le Réma au tout début du Choul’hane Aroukh : « Chiviti Hachem lénégdi tamid, (je T’ai placé mon D… devant moi en Permanence) ; c’est une grande règle de la Torah, et pour les Tsadikim qui marchent devant l’Eternel, car l’homme ne se conduit pas de la même manière s’il est tout seul chez lui ou en présence d’un grand roi … à plus forte raison lorsqu’il intégrera que Le grand Roi, l’Eternel, est présent devant lui et observe ses actions ».
L’œil humain ne nous aidera pas, à priori, à voir D… dans ce monde, car l’œil ne voit que le matériel et de ce qu’il ne peut voir il nous sera difficile d’en percevoir l’existence.
« Pour l’éternité, Seigneur, Ta parole demeure immuable dans les cieux » (Téhilim CXIX, 89). Le midrach explique ce verset : « ainsi dit l’Eternel : qu’est ce qui fait maintenir l’existence du ciel ? C’est Ma parole qui a dit : Que le firmament soit (Béréchit I, 6). Comme il est dit aussi : Car Il a parlé et tout naquit, il a ordonné et tout fut là (Téhilim XXXIII, 9). La parole de l’homme, elle, ne fait que dévoiler sa pensée, il devra ensuite agir pour la réaliser. Alors que la parole de D… est d’emblée créatrice. A travers elle, Il révèle Sa volonté qui réalise et maintient à jamais l’existence de Sa création.
« D’âge en âge dure Ta fidélité : tu as affermi la terre et elle est inébranlable » (Téhilim CXIX, 90). Ta fidélité fait que le monde est maintenu (par Toi) de génération en génération. Mais nous, nous avons l’impression que le monde se maintient, pour ainsi dire de lui-même, comme si la nature était indépendante de D… . Parce qu’en effet, Sa volonté est que le monde soit ainsi perçu, afin que l’homme puisse avoir le libre arbitre et qu’il puisse se tromper et croire que tout est le fait de la Nature.
Le rav Desler zatsal (Mikhtav Mééliyahou tome I, 117-118) rapporte, au nom de Rabbénou Yeroukham, que la soumission à la Malkhout atteint les sommets, lorsque l’homme ressent qu’il ne peut pas fauter, tant la faute lui est devenue étrangère!
La Torah dit, à propos du maasser chéni, « Tu ne pourras pas consommer dans tes portes la dîme de ton blé (…) c’est devant le Seigneur ton D…, que tu devras les consommer en présence de l’Eternel, à l’endroit qu’Il aura choisi » (Dévarim XII, 17-18). Tu ne pourras pas ? S’agissant d’une transgression, la Torah aurait dû dire : tu n’as pas le droit ! Ce « tu ne pourras pas » laisse entrevoir une impossibilité inhérente. C’est pour nous enseigner qu’il faut arriver à ce degré, où l’interdiction est tellement forte (à nos yeux) qu’il nous est viscéralement impossible de la transgresser, preuve que notre volonté profonde est d’accomplir Celle de notre Créateur.
Chabbat Chalom et Chana Tova
Parachat Haazinou – Chabbat Chouva
Après le « mizmor chir léyom hachabat » d’Adam Harichon au Gan Eden, le Cantique de la mer rouge à la sortie d’Egypte (Chemot XV, 1à18), et celui sur le puit de Miryam dans le désert (Bamidbar XXI, 17à20), «Haazinou» est le quatrième des chants « prophétiques» rapportés dans le Pentateuque. Moché le prononça le jour de sa mort : « Prêtez l’oreille, cieux, et je parlerai, que la terre écoute les paroles de ma bouche » (Dévarim XXXII ; 1).
C’est par ce verset que Moché Rabbénou commence ses remontrances. Il prend à témoin le ciel et la terre de ce qu’il dira aux enfants d’Israël, de ce qu’il les met en garde de rester fidèles à la Torah de l’Eternel, et d’observer ses prescriptions. Car le Ciel et la Terre seront toujours présents, alors que lui, Moché, va bientôt quitter ce monde. Mais c’est aussi parce que lorsque les enfants d’Israël seront méritants, ce sont ces témoins qui viendront apporter leurs récompenses : la Terre donnera sa récolte de céréales, et de sa vigne les fruits ; le Ciel fournira la rosée et la pluie (Adapté de Rachi).
Le Ben Ich Haï nous fait remarquer que Moché ne s’adresse pas de la même manière au ciel et à la terre. Au ciel, il va parler directement, quant à la terre, il lui demande seulement d’écouter ce qui va être dit au ciel. Le terme hébreu ואדברה) je parlerai) annonce généralement des paroles dures et sévères, alors que pour פי אמרי) les paroles de ma bouche) c’est un dérivé du verbe vayomér qui est ici utilisé, lequel verbe exprime toujours une parole à venir douce et agréable.
C’est pourquoi le Ben Ich Haï nous propose une autre lecture, une lecture d’entre les lignes, s’appuyant sur le verset du Michlé (Proverbes IX, 8) qui dit : « ne morigène pas le railleur, car il te haïrait ; fais des remontrances au sage et il t’en aimera davantage ». Comment faire des remontrances au railleur, lui adresser la moindre remarque? Ne lui parle pas directement, il ne t’écoutera pas! Bien au contraire il tournera tes propos en dérision. Adresse-toi plutôt, en sa présence, à quelqu’un d’autre, qui lui serait prêt à t’écouter, et de cette façon indirecte il prêtera l’oreille à tes paroles, qui pourront le pénétrer.
La Torah nous enseigne ici un savoir-faire : Moché s’est tourné vers le ciel mais c’est à la terre qu’il destine ses recommandations. Ce n’est pas exactement que le ciel soit le sage et la terre le railleur du verset de Michlé. La terre est fidèle dans sa fonction et dans ses tâches, elle fait pousser ce qu’on a planté en elle, elle ne produira pas de l’orge si on a semé du blé.
Mais la terre est ancrée dans la matérialité, elle s’occupe du monde du bas où la nature est capricieuse, tandis que le ciel symbolise les mondes d’en haut, le côté élevé, le côté spirituel.
De même pour les juifs sages, les tsadikim qui gardent la tête au ciel, le langage de Moché utilise des paroles de rigueur, dures et sévères, du niveau de leur grande exigence personnelle. Mais pour les railleurs, et les « bons vivants » auxquels il s’adresse indirectement ce sont des paroles douces et agréables qu’il veut leur faire entendre.