Parachat Kora’h

Après la mort de Kora’h et de ses partisans, la Torah vient renforcer le statut des Cohanim, fils d’Aharon, et confirmer l’alliance contestée par Kora’h. Il s’agit de vingt-quatre privilèges, redevances sacerdotales, que l’on a l’obligation de donner aux Cohanim. Entre autres, les premiers fruits, les prélèvements sur la récolte moissonnée en terre d’Israël, les premiers nés …

Le verset conclut ensuite : « Tous les prélèvements que les israélites effectueront sur les choses saintes en l’honneur de L’Eternel, Je te les accorde, ainsi qu’à tes fils et à tes filles comme droit perpétuel » (Bamidbar XVIII, 19). Rachi rapporte le Sifri qui dit que la Torah aime tant ce passage, qu’elle en donne un résumé général au début (verset 8), un autre à la fin, et en énonce tous les détails au milieu.

Mais pourquoi donc ce passage serait-il si important et particulièrement aimé de la Torah?

Le Rav Haïm Zaytchik zatsal de Novardok nous fait remarquer que bon nombre des cadeaux offerts aux Cohanim sont des « prémices » : premiers fruits de la récolte (Bikourim), premiers nés du bétail (Bekhor), première tonte (Rechit haguez), premier né de l’âne (Peter ‘hamor), l’argent du rachat du garçon premier né (Pidyon haben), et tous les prélèvements de la moisson (Téroumot et Maassérot) préalables à sa consommation. Nous nous devons de donner au Cohen une place privilégiée, prioritaire : il montera à la Torah en premier, en assemblée il prononcera les bénédictions en premier, se servira le premier.

C’est que l’homme est, généralement, très attaché aux premiers fruits de son travail, surtout lorsqu’ils résultent des années de labeur, à travailler la terre, à s’occuper quotidiennement des bêtes. Et quand il aspire enfin à en savourer les bénéfices, la Torah lui demande de s’en défaire et de les offrir au Cohen. Le premier garçon, tant attendu, l’héritier de la lignée, sera ensuite amené au Cohen duquel on devra le racheter. Et le Rav Zaytchik de conclure : c’est ainsi que l’homme prend conscience que tout vient de l’Eternel et que l’on ne peut en disposer comme on le voudrait.

Un jour un élève du Saba de Novardok, désireux de se « travailler » spirituellement, lui demanda comment briser la joie et l’orgueil qu’il ressentait à l’achat d’un nouvel habit ? Le Rav lui répondit qu’il devrait le prêter à un ami qui, lui, le porterait en premier, ne fusse qu’une seule fois, mais il le priverait ainsi de la joie du premier moment.

Ce fait que le premier est toujours chéri et prisé, nous le retrouvons chez le prophète Chemouel, qui pria et implora l’Eternel de pardonner à Chaoul (le premier roi qu’il avait été amené à oindre) afin qu’il reste roi, et que son action première ne soit pas annulée. Le Kéli yakar (Béréchit IV, 3) rapporte que si Caïn put provoquer Havel, c’est parce qu’il avait apporté, en premier, son offrande au Seigneur. Il est écrit pour Havel qu’il apporta « lui aussi » son offrande (des premiers-nés de son bétail), donc après son frère ; il n’a pas été le premier.

Le midrach (Béréchit rabba 1, 6) enseigne que par le mérite de trois choses, la Hala, le Maasser et les Prémices, qui sont appelées toutes les trois Réchit (premiers), le monde a été créé ! C’est un des sens du mot « Béréchit », avec (pour) Réchit.

Le Rambam dans Moré névoukhim (ch 3) nous dit que le Zéroa (l’épaule), le Lé’hayim (la joue) et la Kéva (la panse), sont réservés aux Cohanim, parce que la joue est le début du corps, la tête ; l’épaule est le premier des membres de l’animal, et la panse, son estomac, le début des intestins. C’est pourquoi ils sont réservés aux serviteurs de D…

Nous voyons donc l’importance du mouvement originel, de la démarche initiale, et de la destination première de toute chose. Comme dit le Maharal, le début équivaut à la mitsva toute entière. Il importe de s’empresser à agir, pour accomplir la volonté du Créateur. Le Premier, c’est aussi le nom que porte Israël, désigné comme « les prémices de Sa récolte » (dans Yérmiyahou II, 3).

       Chabbat Chalom Oumévorakh