KIPPOUR  la Haftara de Yona

KIPPOUR  la Haftara de Yona

          Le jour de Kippour, nous lisons à Minha la Haftara de Yona. Quel enseignement nos Sages ont-ils voulu nous transmettre en instaurant cette lecture ?

Lorsque Yona arrive dans la ville de Ninvé pour annoncer qu’elle serait détruite dans les quarante jours, les habitants de la ville le crurent, et même le roi « se leva de son trône … se vêtit d’un cilice et s’assit sur de la cendre ». Il décréta un jeûne, « que ni homme ni bête, ni gros ni menu bétail, ne goûtent quoi que ce soit » (Yona III, 5-7).

Rabbi Néhounya ben Hakhana a dit : « Grande est la puissance de la Téchouva ! Le roi de Ninvé n’était autre que Pharaon, celui-là même qui, alors qu’il régnait sur l’Egypte, s’était rebellé et avait osé dire : Quel est l’Eternel dont je dois écouter la parole ? (Chémot V, 2). Il avait échappé à la noyade (à la traversée de la mer rouge) pour avoir proclamé : « Qui est comme toi Eternel parmi les forts ? » (Id. XV, 11). D… lui avait dit « voici pourquoi je t’ai maintenu : pour te faire voir ma puissance, et pour glorifier mon Nom dans le monde » (Id. IX, 16).

          Pourtant, de la noyade, le verset (Id.XIV, 28) dit : « Pas un d’entre eux (des égyptiens) n’en réchappa ». Pas un (ad  é’had) peut se lire d’après le Baal Hatourim « jusque un », Pharaon le rescapé ! C’est lui qui raconta aux habitants de Ninvé ce qu’il avait vécu, voilà pourquoi ils crurent d’emblée les paroles de Yona.

          Le destin de Pharaon relève des arcannes de la Providence divine. Alors que sa taille était  d’une « ama » soit soixante centimètres (Moëd katan 18a), il fut placé à la tête de l’Egypte, le plus grand empire de l’époque. Seul survivant de son armée qu’il avait conduite à sa perte, il vivra encore six cents ans, et réussira malgré tout à devenir le roi de Ninvé. Mais il finit par périr, avec tout son peuple, quarante jours après l’épisode de Yona, (Yalkout chimoni Chémot 4).

          Cet homme, qui a connu les dix plaies, qui a vu périr son peuple dans la mer, et qui en a été sauvé pour avoir reconnu l’Eternel (bien que forcé), comment se fait-il qu’il ne dirigea pas Ninvé selon la volonté divine ? Comment ce fait-il aussi que la Téchouva des habitants de Ninvé fut d’aussi courte durée : quarante jours ?

          C’est qu’en fait, répond le Rav Yaakov Galinski zatsal, l’effet des remontrances, comme celui des punitions, est toujours passager ! Comme l’explique Rabbénou Yona (Chaaré Téchouva chaar 2, 26) si l’homme ne s’éveille pas de lui-même, à quoi lui serviront toutes les remontrances, quand bien même elles pénètreraient son cœur sur le moment, son mauvais penchant les lui fera vite oublier comme il est dit : « votre amour est … comme une nuée matinale, comme la rosée qui se dissipe de bonne heure » (Hochéa VI,4) ou encore : « le cœur des méchants ne vaut pas cher » (Michlé X, 20). 

Pour qu’un élan spirituel perdure il faut qu’il se traduise par des comportements. C’est ce que nos Sages enseignent à propos du Nazir qui, après avoir vu la femme Sotta avilie, se doit de faire vœu d’abstinence et se priver de vin (lequel a vraisemblablement amené cette personne à la faute). D’avoir assisté à son humiliation ne suffira pas, tant qu’il ne prendra pas sur lui, l’engagement qui maintiendra sa prise de conscience. C’est donc pourquoi, aussi bien Pharaon que les habitants de Ninvé n’auront fait qu’une Téchouva éphémère.

C’est ce que nos Sages ont voulu nous transmettre en instaurant la lecture de Yona ce jour de Kippour. Après quarante jours de Sélihot, après Roch Hachana, les dix jours de pénitence, le Kol Nidré, Cha’hrit et Moussaf, nous voilà proches de la Néila, il importe que nos élans spirituels persistent.  La lecture de Yona nous apprendra qu’il nous faut mettre en place des applications pour concrétiser toutes nos bonnes résolutions.  

Chabbat Chalom et Gmar Hatima Tova