La paracha de Bé’houkotaï, que nous lisons régulièrement avant Chavouot, comporte des versets de malédictions. C’est pourquoi, écrivent les Tossafots (Méguila 31b), il importe de marquer une interruption et de lire la paracha de Bamidbar, juste avant Chavouot, pour ne pas que le don de la Torah fasse suite à des anathèmes.
Le Lévouch (sur le Choulhane Aroukh 428, 4) explique que c’est pour éviter de donner au Satan l’opportunité d’accuser le peuple d’Israël, en rappelant les fautes mentionnées dans Bé’houkotaï. On peut cependant s’interroger : est ce qu’une seule semaine d’intervalle sera suffisante, pour faire « oublier » au Satan, tout ce qui est mentionné dans ces versets ?
Le Rav Yaakov Galinski zatsal, répond que si Bé’houkotaï rappelle certaines fautes du peuple d’Israël, la paracha de Bamidbar, quant à elle, dispose d’une telle force, qu’elle repousse et empêche toute accusation. Bamidbar, notre paracha de la semaine, nous décrit le campement des enfants d’Israël, et la place de chacune des douze tribus, en ordre de marche, réunies autour du Michkan. Et c’est cette union qui, à elle seule, fera taire toute accusation.
A propos du verset du Chir Hachirim (IV, 7) : « Tu es toute belle, mon amie (Assemblée d’Israël) et tu es sans défaut » le rav Israël Salanter, zatsal, nous explique que le peuple d’Israël est Tsadik ; il est Saint et il est Sage ! Tous les problèmes ne commencent que lorsque l’individu se sépare du klal (de l’ensemble) parce qu’il sera jugé distinctement, privé du mérite de la communauté. Balak le savait bien qui demanda à Bilaam : « Viens je te prie, avec moi dans un autre lieu, d’où tu ne pourras voir (tout) ce peuple : tu n’en verras que les derniers rangs, tu ne le verras pas tout entier et maudis-le moi de là » (Bamidbar XXIII, 13). Si Bilaam s’était retrouvé face au peuple tout entier, le mérite de l’ensemble, aurait entravé toute malédiction qu’il aurait voulu prononcer.
C’est aussi ce que souligne le Midrach Rabba (Vayikra 26, 2) : à l’époque de David Hamélékh, les jeunes hommes qui pourtant n’avaient pas « goûté à la faute » et qui savaient donner quarante neuf explications pour rendre impure telle chose et autant d’autres pour la purifier, ces jeunes gens partis à la guerre ont été vaincus … parce qu’il y avait une mauvaise entente entre eux. Tandis qu’à l’époque de A’hav, ses soldats, tous idolâtres, mais unis entre eux, revenaient victorieux de toutes les batailles, protégés par le Chalom !
Préalablement au don de la Torah, il est précisé : « ils entrèrent dans le désert du Sinaï … Et Israël campa là-bas face à la montagne » (Chémot XIX, 2). Comme le souligne Rachi : Israël campa est au singulier, tout le peuple réuni, comme un seul homme, en un seul cœur. Et même lorsque le verset emploie le pluriel (nous) : « Tout ce qu’a prononcé l’Eternel, nous l’exécuterons (Naassé) et (ensuite) nous le comprendrons (Vénichma) » (Chémot XXIV, 7), c’est une même déclaration, exprimée par tous, à l’unisson, comme un seul homme, d’une seule voix, dans une même et totale adhésion !
La paracha de Ki Tavo comporte aussi des versets de malédictions. Après les avoir écoutées, rajoutées à celles de Bé’houkotaï, les enfants d’Israël se trouvaient découragés, et se dirent que personne ne pourrait être épargné de ces sanctions. C’est pourquoi Moché va s’employer à les rassurer : « Vous êtes placés aujourd’hui, vous tous, en présence de l’Eternel » (Dévarim XXIX, 9). Rachi nous révèle que Moché leur a dit : « jusqu’à présent vous vous êtes, aussi plus d’une fois, rebellés contre l’Eternel, et vous êtes pourtant, tous là, aujourd’hui ».
Autrement dit bien qu’ils aient transgressé et irrité l’Eternel, dans le désert par leur comportement, et particulièrement avec la faute du veau d’or, ils sont encore présents et bien vivants ! En dépit de toutes les malédictions ! N’est ce pas contradictoire ? Moché, à ce moment, leur a dévoilé un grand secret : l’importance de l’union et la présence du Chalom qui en découle, et grâce auquel le peuple d’Israël pourra toujours affronter, victorieux, toutes les épreuves.
Chabbat Chalom Oumévorakh