Rabbi Chimon ben Eleazar nous enseigne (Guémara Méguila 31b) que c’est Ezra Ha-sofer qui a instauré la lecture des malédictions de la Parachat Béhoukotaï avant Chavouot, et celles de la Parachat Ki Tavo avant Roch Hachana. Pour quelle raison ? Abayé répond : afin que se termine l’année avec ses malédictions !
Que se termine l’année ? Pour Roch Hachana, qui débute une nouvelle année, on peut comprendre, mais pour Chavouot, l’année ne se termine pas ! C’est qu’en fait, nous explique la Guémara, le monde est jugé à Chavouot pour les fruits de l’arbre (Roch Hachana 16a), et en cela, Chavouot est considéré comme un nouvel an.
Ce qui appelle une nouvelle question ! Puisque la même Michna nous enseigne qu’à Pessah nous sommes jugés pour la récolte et qu’à Souccot nous sommes jugés pour l’eau (les pluies), pourquoi Ezra a-t-il choisi précisément Chavouot, comme deuxième nouvel an, pour y lire la paracha de Béhoukotaï ?
Le Chla’’h Hakadoch (auteur du Chné Louhot Habérit) répond qu’il ne s’agit pas des fruits de l’arbre au sens littéral du terme, mais (en allusion) des Mitsvot accomplies par l’homme, lequel est comparé à un arbre comme il est dit : « oui l’arbre des champs, c’est l’homme même » (Dévarim XX, 19), dont les actions sont les fruits. A Roch Hachana, l’homme est jugé sur sa condition matérielle, et à Chavouot sur sa condition spirituelle, comme au moment de la Création. Puisqu’à la Création, le maintien du monde et sa persistance ont été subordonnés à l’acceptation de la Torah par Israël, le six Sivan, Chavouot, jour du don de la Torah. C’est ce que sous-entend le fameuxHé du « Yom Hachichi, le sixième jour », souligné dans le verset et qui fait allusion au six Sivan.
Le Péri-Tsadik (Ki Tavo 13) rapporte, d’après le Zohar, que les malédictions de Béhoukotaï sont en rapport avec la destruction du premier Temple et celles de Ki Tavo avec celle du deuxième. Nos Sages (Nédarim 81a) expliquent le verset : « pourquoi ce pays est il ruiné, dévasté comme le désert où personne ne passe ? L’Eternel l’a dit c’est parce qu’ils ont abandonné la loi que Je leur avais proposée » (Yérmiya IX, 11). C’est donc parce qu’ils ont négligé l’Etude de la Torah que le Beth Hamikdach a été détruit ! On comprend alors que ce sont bien les malédictions de Béhoukotaï qu’il faut lire avant Chavouot, jour du don de la Torah, laquelle écrit justement : « si vous dédaignez mes lois », qui se rapporte, comme dit Rachi, à l’abandon de l’Etude de la Torah.
Le deuxième Temple fut détruit du fait de la haine gratuite (Yoma 9b) ; c’est pour cela que Ezra instaure la lecture des malédictions à la période précédant Roch Hachana, car c’est à ce moment de l’année que l’homme s’interroge, fait Téchouva et demande pardon à son prochain, afin que le jour de Kippour vienne pardonner toutes ses fautes.
Au moment de la création, l’Eternel demanda aux anges s’il fallait créer l’homme (Midrach Rabba : Béréchit 8). L’ange du Emeth, (de la Vérité) et celui du Chalom (de la Paix) y étaient opposé. C’est alors que D… prit le Emeth et le jeta à terre. La Torah est appelée aussi Emeth, et c’est elle qui fut jetée à la terre. Elle fut donnée aux hommes justement pour leur permettre d’accéder à la Vérité. Grâce à la Torah, les Bné israël réussirent à réparer cette Mida (qualité) et l’exil du premier Temple et les malédictions de Béhoukotaï se terminèrent. Au terme de soixante-dix ans le Temple fut reconstruit. Mais le Chalom, qui est la réparation du moment, n’est pas encore réalisé, et l’exil du deuxième Temple persiste avec, encore de nos jours, des haines gratuites.
Le Chalom étant resté au ciel, est plus difficile à réparer. On remarquera toutefois que dans chaque prière, la dernière bénédiction de la amida, se termine par le mot Chalom, comme pour la birkat Cohanim. Nous prions aussi pour le Chalom dans le birkat hamazon et le kadich. Notez que la dernière michna du chass (ouksine ch 3, mich 12) nous parle de l’importance de la Paix, qui la haine gratuite réparée nous fera mériter le troisième Beth Hamikdach.
Chabbat Chalom Oumévorakh