Dans son livre Maguid Mécharim, Rabbi Yossef Karo rapporte les enseignements, révélés par l’ange qui se dévoilait à lui ; il est écrit : « Sache que la faute de Moché rabbénou (à savoir) d’avoir frappé le rocher plutôt que de lui avoir parlé n’est pas expliquée dans la Torah. »
Le texte s’interroge ensuite : « Pourquoi alors autant d’opinions différentes se sont-elles exprimées sur le sujet ? » Et répond : « C’est que le péché parait tellement « subtil » que sa recherche ressemble à celle d’une aiguille dans une botte de foin. Ce qui souligne la grandeur de Moché et la petitesse de sa faute, car si vraiment elle était si évidente on l’aurait facilement trouvée. »
Par deux fois dans la Torah, D… demanda à Moché de faire sortir de l’eau d’un rocher : dans parachat Béchala’h, il fallait frapper le rocher (Chémot XVII, 5-6), puis ensuite dans notre paracha, mais cette fois Moché devait parler au rocher et non le frapper.
Le sefer Hayikarim explique cette différence. Dans Béchalah, les enfants d’Israël étaient à Réfidim et n’avaient pas encore reçu la Torah, il fallait que Moché frappe le rocher. Par contre dans notre paracha, après le don de la Torah, la seule parole aurait suffi, la Nature se trouvant maintenant soumise aux enfants d’Israël, et parler tout simplement au rocher aurait fait jaillir l’eau. Que Moché ait frappé le rocher, sans s’adresser à lui, fut une occasion manquée de sanctifier le Nom de D…
Dans une approche analogue, le Or Ha’hayim Hakadosh (Chémot XIV, 27) explique pourquoi la traversée de la mer Rouge fut un miracle qui mérita une chira (« Az Yachir Moché »), car la mer pouvait argumenter qu’elle n’était pas tenue d’obéir à Moché : elle avait été créée le troisième jour tandis que l’homme ne l’avait été qu’au sixième jour. A l’époque des tanaïm, Rabbi Pinhas Ben Yaïr, fort de sa Torah, obligera le fleuve « à s’ouvrir » par trois fois, sans grande difficulté, car la Torah est antérieure à la Création du monde, et la Nature lui est soumise.
Nous pouvons mieux comprendre, maintenant, ce que dit le Yalkout Chimoni (763) lorsqu’il affirme que D… demanda à Moché de lire un passage de la Torah devant le rocher, car c’est par soumission à la Torah que l’eau devait jaillir.
Le ‘Hanoukat Hatorah se propose d’expliquer l’erreur d’appréciation de Moché. Nos sages (Baba Métsia 86b) disent qu’en retour de ce qu’Abraham était allé préparer personnellement pour les anges (qu’il avait invités dans sa tente), D… le rendit personnellement à sa descendance, mais ce qu’Abraham a « laissé faire » par un intermédiaire « Qu’on aille quérir un peu d’eau » (Béréchit XVIII, 4), D… aussi, fournira de l’eau aux enfants d’Israël par un intermédiaire, Moché. Mesure pour mesure !
C’est pourquoi Moché s’était dit qu’il devait remplir une « mission d’intermédiaire » et frapper le rocher comme la première fois. S’il avait parlé au rocher, c’est la voix de l’Eternel qui se serait exprimée, directement, à travers la voix de Moché (Zohar Pinhas 232a), et l’eau n’aurait pas été donnée par un intermédiaire. Cependant comme il s’était mit en colère disant : « Ecoutez ô rebelles ! » (Bamidbar XX, 10), la Chékhina l’avait quitté momentanément (Sifri) et D… ne parlait plus à travers sa bouche. C’est donc la parole de Moché qui se serait exprimée et en tant qu’intermédiaire.
Chabbat Chalom Oumévorakh