Dans ses tout derniers versets, notre paracha revient sur le déroulement du don de la Torah : « Moché s’achemina vers la montagne, qu’enveloppait la nuée. La majesté divine se fixa sur le mont Sinaï (…) Or la majesté divine apparaissait comme un feu dévorant au sommet de la montagne, à la vue des enfants d’Israël », (Chémot XXIV, 15-17).
Difficile à comprendre que l’Eternel soit ici représenté « comme un feu dévorant ». L’Eternel est au dessus de toute définition, et de toute interprétation matérielle. Ceci est d’ailleurs un des principes fondamentaux du Judaïsme : D… est unique, et il n’y a pas d’unicité comme la Sienne ; Il n’a pas de corps ni d’image corporelle. Comment pourrait-il être comparé au feu ?
Le rav Yaakov Tsvi de Klénbourg, auteur du Haktav Véhakabala, répond que le verset vient ici nous expliquer comment tout le peuple d’Israël a pu percevoir cette vision de l’Eternel. Les prophètes aussi ont pu avoir une perception de D… mais elle était subordonnée à une grande préparation pour se détacher de la matérialité, et permettre à leur âme de s’élever au niveau requis. Moché, lui-même, le plus grand des prophètes, ne fut appelé qu’après six jours : « le septième jour, du milieu de la nuée et s’éleva sur la montagne ». Et c’est alors seulement que « Moché pénétra à l’intérieur de la nuée, tout le corps agité de tremblements » (Yalkout Chimôni II 842). Comment donc au moment du don de la Torah, les enfants d’Israël avaient-ils pu brûler toutes les étapes requises, et atteindre de si grands degrés d’élévation spirituelle ? C’est ce que la Torah nous répond ici.
Le feu est la seule chose, dans la Création, qui ait besoin d’un support matériel pour exister. La Torah ne vient pas nous décrire la forme que l’Eternel prit lors de Son dévoilement. Mais elle vient nous enseigner la perception que les enfants d’Israël en ont eue, différente pour chacun, selon sa préparation, laquelle sera le support sur lequel le feu pourra se poser. Bien que l’Eternel se dévoila à tout le peuple au moment du don de la Torah, la perception n’était pas la même pour chacun d’entre eux.
C’est aussi ce qu’explique le Nétsiv (Haémék Davar) sur le verset : « C’est face à face que l’Eternel vous parla sur la montagne, du milieu de la flamme » (Dévarim V, 4). « Face à face », c’est-à-dire à l’image de votre propre visage. Tel que nous nous montrons à Son égard Il se montre à nous. L’aide du Ciel, qui accompagne l’homme à son Etude, sera à la mesure de ses efforts. C’est ce que le Midrach Rabba dit à propos du verset « la voix de l’Eternel (au mont Sinaï) éclate avec force » (Téhilim XXIX, 4). Il n’est pas dit avec Sa force mais avec force, ce qui veut dire avec celle de chacun d’entre nous, en fonction de la puissance de son approche.
A l’époque du Temple, lorsqu’il participait à la Sim’hat Beth Hachoéva, (cérémonie de l’eau) Hillel disait : « Si je suis là, tout est là, et si je n’y suis pas, qui est là ? » (Soucca 53a). La Guémara (Chabbat 30b) cite en exemple Hillel qui faisait toujours preuve d’une grande humilité. Comment alors comprendre ses propos, apparemment peu modestes ?
Le Rav Yits’hak Blazer, zatsal, élève du Rav Israël Salenter, explique ce qu’a voulu dire Hillel. Cette cérémonie portait le nom de Beth Hachoéva, là où l’on puisait de l’eau, mais aussi d’après le Yérouchalmi (Soucca Ch.5, 1) parce que cette fête était un moment propice, pour « puiser » du Roua’h Hakodech, de l’esprit saint, l’esprit prophétique. Il ne faut pas croire que tout le monde pouvait y accéder, il fallait une sérieuse mise en condition préalable. C’est justement ce que Hillel voulait souligner ! « Si je suis là » c’est-à-dire si l’homme s’est amené, lui-même, à la préparation adéquate, alors « tout est là » et il pourra atteindre les degrés élevés de spiritualité et de sainteté. Mais « si je n’y suis pas », si je ne me suis pas préparé, « qui est là », qui puisse prétendre atteindre de tels niveaux ?
Chabbat Chalom oumévorakh