« Il arriva après ces faits qu’on dit à Yossef : Ton père est malade. Et il prit ses deux fils avec lui, Ménaché et Ephraïm» (Beréchit XLVIII, 1).
C’est Ephraïm qui avait l’habitude d’étudier auprès de Yaakov, au pays de Goschen, qui était parti informer son père en Egypte. (Midrach Tanhouma, Vayehi, 6).
Dans un autre Midrach (Psikta de Rav Kaana 3,4) nos Sages s’étonnent : Yossef avait-il besoin qu’on vienne l’avertir que son père était malade ? Ne se rendait-il pas fréquemment chez son père pour l’honorer, et se préoccuper de ses besoins? C’est qu’en fait, répond le Midrach, pendant toutes ces années Yossef évita de visiter son père pour ne pas qu’ils se retrouvent seuls et que son père ne le questionne sur son passé, et sur les circonstances de sa venue en Egypte. Il se serait trouvé dans l’obligation de raconter le détail de son histoire et de dénoncer la conduite de ses frères, qui l’avaient tout d’abord jeté dans un puits, et ensuite vendu contre une paire de chaussures. Yaakov risquait alors de maudire ses autres fils et Yossef connaissait bien le pouvoir de la parole de son père. Cette parole imprudente que Yaaacov avait dite à Lavan : «celui chez qui tu trouveras en sa possession tes dieux qu’il cesse de vivre » (Beréchit 31,32), cette malheureuse parole entraina la mort prématurée de sa mère, de Rahel. C’est pourquoi Yossef s’était dit, sachant que le monde n’a été créé que pour les tribus (les chévatim), qu’il devait éviter de se rendre chez son père.
« Car fort jusqu’à la mort est mon amour » (Chir Hachirim 8,6) explique le Midrach Tanehouma il s’agit de l’amour de Yaakov pour Yossef. Bien qu’ayant été privé de son père et d’un tel amour pendant 22 ans, Yossef renonça à ce lien privilégié, pendant les 17 ans que son père vécut en Egypte, pour ne pas causer de tort à ses frères.
De son côté Yaakov lorsqu’il retrouve son fils, il est dit : « Yossef attela son char, et alla au-devant d’Israël, son père, à Goschén. A sa vue, il se précipita à son cou, et pleura longtemps dans ses bras » (Beréchit 46,29). D’après nos Sages (Massekhet Kala ch.2) Yaakov ne laissa pas son fils l’embrasser ni à ce moment ni par la suite. C’est au décès de Yaacov, lorsqu’il « rejoignit ses pères (que) Yossef se précipita sur le visage de son père, le couvrit de pleurs et l’embrassa » (Beréchit 50,1). Il s’est dit : « pendant 39 ans je n’ai pas embrassé mon père, et maintenant que je vais l’enterrer, je ne l’embrasse pas? » En fait Yaakov, lui, pensait que Yossef, pendant ses années de séparation, avait certainement dû attirer des femmes du fait de sa grande beauté. Si seulement, Yossef avait pu raconter à son père, son histoire et l’épreuve qu’il surmonta avec la femme de Putiphar, il aurait certainement ôté tout soupçon sur sa personne. Mais il préféra rester en retrait pour éviter à tout prix de compromettre ses frères.
Le Rav Chlomo Harkavi zatsal Machguia’h de la Yéchiva de Grodno fait remarquer le comportement de Yaakov, qui ne chercha pas, non plus, à connaitre le passé de son fils. Son regard était tourné vers le futur. Orienté vers l’avenir, il ne revient pas sur l’histoire de ce fils chéri, dont il fut privé pendant 17 ans mais qu’il avait enfin retrouvé, grâce à Dieu !
SHABBAT SHALOM OUMEVORAKH