Nos Sages nous enseignent (Pirké DéRabbi Eliezer ch 25) que le verset : « frayer avec les sages, c’est devenir sage ; fréquenter les sots, c’est devenir mauvais » (Michlé XIII, 20), a été dit à propos de Loth, qui ayant été proche d’Abraham a pu s’imprégner de sa bonté et de sa générosité, du ‘Héssed extraordinaire qu’il exerçait. En arrivant à Sdom il a voulu, lui aussi, pratiquer l’hospitalité à l’image de son oncle, mais il craignait les réactions des habitants qui avaient proclamé que celui qui donnerait à manger à un pauvre devrait être brulé.
Lorsque « les deux envoyés (anges) arrivèrent à Sdom le soir. Loth était assis à la porte de Sdom » (Beréchit XIX, 1). Que faisait-il assis le soir à la porte de la ville ? Comme il craignait les habitants, ce n’est que la nuit que Loth cherchait à faire du ‘Héssed. Il pensait que ces anges étaient des voyageurs, et « il insista vivement » (Id. XIX, 3), pour qu’ils acceptent de se rendre chez lui. Malgré ces précautions, il fut dénoncé par un passant. Le Midrach dit qu’à l’instar de Moché, qui s’est dévoué avec abnégation pour le peuple d’Israël, Loth était prêt à se sacrifier pour ces invités.
Loth avait une fille appelée « Plotit », mariée à un des notables de Sdom. Elle vit un jour un pauvre qui trainait, affamé, dans les rues. Elle eut pitié de lui, « mon cœur s’est serré à la vue du malheureux » (Iyov XXX, 25), et décida de le nourrir. Tous les jours lorsqu’elle sortait puiser de l’eau, elle mettait de la nourriture dans sa jarre, qu’elle donnait au pauvre. Les habitants de la ville se demandaient comment ce pauvre pouvait-il être encore en vie. Ils découvrirent rapidement que Plotit lui donnait discrètement du pain, et elle fut immédiatement brulée. Avant de mourir elle s’écria : « Maitre de l’Univers, rend moi justice des habitants de cette ville et châtie ce peuple ». Sa plainte monta directement jusqu’au Trône céleste.
Plotit n’avait pas connu Abraham, elle était née après la guerre des rois et le sauvetage de Loth. C’est pourquoi elle fut ainsi appelée Plotit, du mot Péléta, qui veut dire sauvetage. Bien qu’ayant grandi à Sdom, elle fut imprégnée du ‘Héssed qu’elle vit chez son père, lequel l’avait appris lui-même d’Abraham.
De quelle source s’inspirait le ‘Héssed (si exceptionnel) d’Abraham Avinou ? Le Midrach (Cho’har Tov sur Téhilim 37) rapporte qu’Abraham demanda, un jour, à Malkitsedek (Chem, le fils de Noa’h) : « par quel mérite D… vous a-t-il gardés dans l’Arche jusqu’à vous permettre d’en sortir vivants ? » Chem lui répondit : « c’est grâce au ‘hessed que nous avons pu dispenser tous les jours ! » Abraham s’était étonné : « mais il n’y avait pas de pauvre avec vous ! » Et Chem de lui répondre : « c’est vis-à-vis des animaux, des bêtes sauvages, des bêtes domestiques, et des oiseaux. Jour et nuit, nous étions à leur service, les yeux de mon père n’ont pas connu le sommeil dans l’arche ! Et même, un jour qu’il était en retard pour le repas du lion, celui-ci le blessa au talon, le laissant infirme, boiteux, toute sa vie ». Abraham se dit alors en lui-même « si leur générosité, prodiguée envers les bêtes, leur a valu tant de mérites, à plus forte raison, moi qui m’occuperai des hommes, lesquels sont à l’image de D…, serai-je épargné de toute mésaventure ».
Abraham était bien plus grand que Chem et pourtant tout le ‘Hessed qu’Abraham fit durant toute sa vie venait de cet enseignement qu’il tira des paroles de Chem. Son influence s’étendit par la suite sur son neveu, et jusqu’à Plotit la fille de Loth, qui n’avait pourtant pas connu Abraham. C’est ce que disait David Hamélekh : « de tous mes maîtres je me suis instruit» (Téhilim CXIX, 99), et comme l’explique Ben Zoma (Avot 4,1) : « quel est l’homme intelligent – le ‘Hakham ? Celui qui apprend de tout homme ». Un petit enseignement peut donc être ainsi riche de conséquences, pour qui sait en tirer profit, et influer comme ce ‘Héssed d’Abraham sur toute une famille, voire sur l’humanité entière.
Chabbat Chalom Oumévorakh