« Yaacov sortit de Béér Chéva, et se dirigea vers ‘Haran. Il atteignit l’endroit et il y passa la nuit » (Beréchit XXVIII, 10). Nos Sages expliquent que lorsque Yaacov arriva à ‘Haran, il se dit : « Comment se peut-il que je sois passé par l’endroit où mes pères ont prié sans y prier moi-même ? » Il pensa revenir en arrière, et par miracle la route s’est « raccourcie », et les distances ont été « supprimées » pour lui, et il atteignit l’endroit (Sanhédrin 95, b).
Cet endroit c’était le Har Hamoria, là où Abraham avait prié, là où le Temple sera construit. Abraham s’était fixé de toujours prier au même endroit, vers lequel il « se dirigea de bon matin » (Id. XIX, 27). C’est pourquoi nos Sages enseignent (Bérakhot 6, a) que : « Tout celui qui fixe un emplacement à sa prière, le D… d’Abraham lui vient en aide. »
Et c’est aussi le lieu où « Yits’hak sortit prier dans le champ » (Id. XXIV, 63). Lui aussi priait toujours à un endroit précis comme il est dit : « Il revenait du puits de Béér La’haï Rohi – vivant de ma vision » (Id. XXIV, 62). Le Ramban explique « qu’il habitait la région du Néguev » (Id. XXIV, 62), mais se rendait régulièrement à cet endroit particulier pour y prier. Il l’avait choisi parce qu’à cet endroit l’ange apparut à Hagar, et que c’était là aussi qu’Abraham installa sa tente et reçut ses invités.
Pourquoi était-il si important pour Yaacov de se recueillir là où ses pères se recueillaient ? L’Eternel ne se trouve-t-Il pas partout ? Quel est l’importance d’un endroit précis pour prier ?
Le Ramhal, rabbi Moché ‘Haïm Lussato, zatsal, (Daat Tévounot 160), explique que le dévoilement de la Présence divine est plus fort en certains lieux, en fonction de ceux qui La recherchent. L’endroit où la Chékhina se révèlera deviendra le « kli et le tsinor » de ce dévoilement. Nos ancêtres ont sanctifié par leurs prières des lieux précis qui sont devenus des réceptacles de la Présence divine.
Yaacov est retourné sur ses pas. Le Maharal (Nétivot Olam, nétiv haavoda 5) explique la notion de sakhar péssiot- la récompense des pas. Le Talmud (Sotta 22) dit que celui qui a deux synagogues dans sa ville devra choisir de fréquenter la plus éloignée, afin de mériter une récompense pour les pas supplémentaires qu’il aura faits. Cette notion n’existe pour aucune autre Mitsva, pas même pour l’étude de la Torah. C’est parce que, nous dit le Maharal, le but de la Téfila est de se rapprocher de l’Eternel. Et donc chaque pas est en soi un acte de rapprochement vers Hachem. Celui qui est en mouvement vers un endroit s’attache à chaque pas à l’endroit qu’il veut atteindre plus encore que s’il était proche de l’endroit.
Après que Yaacov eut prié, il s’endormit et « fit un rêve … D… se tenait sur lui et lui dit : La terre sur laquelle tu es couché Je te la donnerai à toi et à ta descendance. » (Id. XXVIII, 14). L’Eternel a rassemblé sous lui le sol de tout Eretz Israël, lui suggérant ainsi qu’elle serait aussi facile à conquérir que ces quatre coudées. On remarquera que c’est grâce à sa décision de revenir sur ses pas que Yaacov bénéficia de cette apparition et reçut cette promesse, autrement il en aurait été privé.
Yaacov dit alors : « assurément il y a l’Eternel en ce lieu-ci ». La Présence divine (la Chekhina) y est manifeste, toutes les prières passeront par le Temple qui sera construit ici, « ici est la porte du Ciel » (Id. 17).
Chabbat Chalom Oumévorakh