Après avoir traversé la Mer rouge, « Moché chanta, ainsi que les enfants d’Israël, l’hymne suivant à l’Eternel » (Chémot XV, 1).
Le Midrach (Yalkout Chimoni 242) écrit : « Ils chantèrent les louanges de l’Eternel et non pas celles des hommes ». Comme « quand David revenait vainqueur du Philistin, les femmes s’avancèrent de toutes les villes d’Israël au-devant du roi Chaoul, chantant et dansant au son des gais tambourins et des triangles. Et elles chantaient en chœur, dans leurs joies, en disant : Chaoul a battu ses mille et David ses myriades » (Chmouel 1, XVIII, 7-8).
« Non pas celles des hommes » ? Quel enseignement ce Midrach vient-il donc nous apprendre? Ils chantèrent à l’Eternel ? Qui d’autre pourrait être le sujet de leurs louanges? Certainement pas Moché puisque le verset dit : « ils crurent en D… et en Moché Son serviteur », ce qui signifie, d’après les commentateurs, qu’ils avaient compris que Moché n’était que le serviteur de D… et que tout ce qu’il fit venait de l’Eternel, et sur son ordre. La question reste donc entière.
Le Rav Ezra Attiya, zatsal, Roch Yéchiva de Porat Yossef, donne l’explication suivante : lorsque les enfants d’Israël étaient en exil en Egypte, la Chékhina (la Providence divine), se trouvait elle aussi en exil, comme il est dit : « Moi-même Je descendrai avec toi en Egypte, Moi-même Je t’en ferai remonter. » (Beréchit XLVI, 4). Au moment de la sortie d’Egypte, il est écrit : « ce fut ce jour même, que toutes les milices du Seigneur sortirent du pays d’Egypte », (Chémot XII, 41), et un peu plus loin il est repris : « Or ce fut ce jour-là même que l’Eternel fit sortir les enfants d’Israël du pays de l’Egypte, selon leurs légions », (Id. verset 51). Le premier verset nous dit que les milices du Seigneur, c’est-à-dire les anges, qui accompagnent la Chékhina, sont sorties en même temps que la Chékhina elle-même, qui était elle aussi en exil. Le deuxième verset désigne, lui, les Bné Israël libérés de l’esclavage.
C’est donc ainsi que l’on comprendra le Midrach : les enfants d’Israël ont entonné le Cantique de louanges pour l’Eternel, pour la Chékhina, sortant d’Egypte, accompagnée de Ses anges, et non pas pour les enfants d’Israël eux-mêmes, devenus des hommes libres.
C’est aussi ce que David Hamélékh dit dans le verset : « Dussé-je suivre la sombre vallée de la mort, je ne craindrais aucun mal car Tu serais avec moi ; ton soutien et ton appui seraient ma consolation » (Téhilim XXIII, 4). Je ne crains rien pour moi-même, mais je serai inquiet, parce que Toi aussi Tu es avec moi, parce que lorsqu’un homme souffre, la Présence divine s’afflige avec lui. C’est donc le tourment de la Chékhina qui préoccupe David et non sa souffrance propre.
Le Rav Ben Tsion Aba Chaoul, zatsal, ajoute une explication. Il nous fait remarquer que la partie essentielle du « Cantique de la mer » porte sur la manière dont les égyptiens périrent noyés, et très peu sur le sauvetage, en lui-même, des enfants d’Israël ; tout juste quelques mots : « Il est ma force … je Lui dois mon salut » (verset 2). L’homme qui vient d’être sauvé d’un grave danger, détaille en général son sauvetage, en s’attardant sur les circonstances, et «chante » ensuite brièvement sa reconnaissance à son sauveur.
Mais les enfants d’Israël ont préféré plutôt détailler longuement le châtiment des égyptiens, qui ont reçu leur punition chacun en fonction de ses fautes, engloutis dans cette mer subitement agitée. Ceux-là furent « précipités dans l’eau » comme le plomb, d’autres sont « tombés comme la pierre », ou encore ceux–ci, ballotés comme la paille, semblaient « consumés comme le chaume ».
Car c’est à la juste mesure du Jugement céleste que le Nom divin est glorifié. Le Midrach a donc voulu nous préciser, également, que les enfants d’Israël ne se sont pas attardés sur leur propre délivrance. Ils ont chanté les louanges de l’Eternel, dans les détails de Son intervention, car c’est ainsi que Sa grandeur est glorifiée et que Son Nom est sanctifié.
Chabbat Chalom Oumévorakh